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CONAKRY- Maitre Mohamed Traoré, à la DPJ : «il n’existe pas une infraction appelée « trouble à l’état » tout court. La formulation doit être plus précise»

Dans l’après-midi du vendredi 17 juillet 2020, des policiers en armes et en cagoules se sont rendus aux domiciles de Dr Ben Youssouf Keita de l’UFDG et Ibrahima Diallo du FNDC dans le but évident de les arrêter avant les manifestations du 20 juillet 2020 du FNDC.

C’est toujours dans le cadre de ces fameuses « arrestations préventives » enclenchées depuis octobre 2019 avec l’arrestation des A. Sano et autres. Faute d’avoir pu les trouver sur place, ils ( les policiers) ont laissé aux proches des intéressés des convocations.

À noter que s’ils étaient venus dans l’intention de déposer simplement des convocations, ils n’auraient pas eu besoin de s’embarquer dans quatre ou cinq pick-ups, de porter des armes et des cagoules. Ils voulaient en réalité se saisir de ces deux acteurs engagés pour les conduire à un lieu inconnu et les garder jusqu’à lundi au moins en empêchant ainsi leurs avocats de prendre contact avec eux. Il est indiqué sur les convocations, comme motif, » Trouble à l’État » et comme base légale l’article 561 du Code pénal. Il existe bien dans le chapitre 4 du titre 1 du livre quatrième du code pénal une série d’infractions intitulées des troubles à l’État par le massacre, la dévastation et le pillage. L’article 561 visé par les convocations de la DPJ se situe dans ce chapitre et parle en substance de « manœuvres et actes de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles graves à l’ordre public ».

En indiquant, sans autre précision, comme motif des convocations » trouble à l’État », la. DPJ semble ignorer les dispositions de l’article 82 du Code de procédure pénale qu’elle a pourtant visé. Ce texte précise en effet que » la personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu’après avoir été informée entre autres :

1- de la qualification, de la date et du lieu présumé de l’infraction qu’elle soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre.
…………………………………………………………………… » Cela permet au citoyen de savoir avec précision ce qui lui est reproché et d’organiser conséquemment sa défense.

Lorsqu’une convocation indique simplement trouble à l’État » sans préciser en quoi consiste ce trouble, le citoyen est lui-même troublé.

Malheureusement, cette obligation n’est pas souvent respectée par la DPJ qui préfère employer la méthode forte. Il est important que les citoyens soient suffisamment informés de leurs droits car on ne peut défendre qu’un droit que l’on connaît. L’autre question que soulèvent ces multiples convocations est de savoir si le fait d’appeler à des manifestations et d’organiser des réunions en vue de préparation de ces manifestations est constitutif de manœuvres et d’actes de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles à l’ordre public.

En réalité, ces manœuvres ne visent qu’à intimider les acteurs politiques, les acteurs de la la société civile et les citoyens résolus à combattre le projet de présidence à vie dans lequel certains veulent engager la Guinée. Mais une chose reste cependant claire : des dizaines de jeunes ont perdu la vie dans ce combat ; des dizaines et des dizaines d’autres ont été privés de liberté pendant plusieurs mois ; d’autres encore croupissent dans les différentes geôles du pays. Il n’y a donc absolument rien de nouveau ou de surprenant quant aux opérations policières qui sont menées depuis hier contre les opposants au projet de 3ème mandat. C’est la suite logique de toutes ces arrestations qui ont commencé le 12 octobre de l’année dernière.

Me Mohamed Traoré

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