Dans un point de presse animé ce jeudi 21 Janvier 2022, Monsieur Alphonse Charles Wright, Procureur général près la Cour d’appel de Conakry, a fait des dénonciations et ordonné des poursuites sur des cas présumés de détournements de deniers publics, corruption, blanchiment de capitaux, faux et usage de faux.
Cette communication, qui divise l’opinion, est-elle opportune ? Ne se heurte-elle pas au principe sacré de la présomption d’innocence ? Les personnes incriminées ont-elles le droit de communiquer sur ces allégations dirigées contre elles ?
Dans la pratique pénale, le Procureur général est la porte d’entrée de l’exécutif dans le judiciaire. À ce titre, il reçoit des ordres et instructions pour le déclenchement des poursuites pénales et la mise en œuvre de la politique pénale du gouvernement.
En tant que patron des Procureurs de la République de son ressort et en application de l’article 8 alinéa 3 du code de procédure pénale, le Procureur général peut bien communiquer sur des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en causes.
Cette communication est malheureusement perçue par certains comme une déclaration de culpabilité aux mépris de la présomption d’innocence.
Il convient, en effet, de rappeler que la présomption d’innocence est un principe juridique selon lequel toute personne objet de poursuite pénale est réputée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une décision définitive.
Le Procureur général près la cour d’appel de Conakry est bien dans l’exercice légal de sa mission même s’il l’ extrapole, à tort, sur le procureur spécial de la CRIEF qui est autonome.
Cependant, il faut considérer que ce communiqué de presse n’est pas une décision de justice encore moins une preuve de culpabilité. Il n’est pas non plus une parole d’évangile qui liera les Juges qui seront en charge du dossier. Le Procureur général est porteur d’accusation mais il n’est pas Juge. Il n’a pas le dernier mot. Les personnes visées par cette communication sont toujours innocentes malgré les accusations portées à leur encontre.
On ne peut pas lutter contre l’impunité en bâillonnant les principes directeurs du procès pénal.
Certes, il est difficile, voire impossible d’ignorer une telle communication quand elle vous cible ou vise un proche ; mais les Avocats des mis en cause seront pleinement dans leur rôle d’exercer un droit de réponse en communiquant à leur tour pour équilibrer l’information dans l’opinion. C’est de bonnes guerres. Chacun doit simplement jouer son rôle dans les limites fixées par la loi.
De toutes les façons, il est évident que toutes les personnes visées par cette opération <<main propre>> ne seront pas innocentes comme toutes ne seront pas déclarées coupables aux termes du procès.
D’ailleurs, le peuple de Guinée a bien besoin de suivre en direct ces procès sur les médias pour éviter à l’avenir qu’il jette l’opprobre sur la Justice après l’intervention de possibles décisions de relaxe.
Les magistrats en charge de ces dossiers devront simplement se défaire de la passion et des a priori, agir avec mesure et professionnalisme. Ils devront également attacher un prix sérieux à la présomption d’innocence et aux droits de la défense.
In fine, il reviendra uniquement et exclusivement aux Juges compétents, dans le cadre d’un procès juste et équitable, d’apprécier le bien fondé de ces accusations. Seuls eux diront qui est coupable et qui ne l’est pas.
En attendant, avançons !
Me Pépé Antoine Lama