Pour justifier l’injonction faite à M. Cellou Dalein Diallo de quitter son domicile de Dixinn qui serait un bien de l’État et la procédure quelque peu cavalière de son expulsion, beaucoup ont invoqué la règle du privilège du préalable. Cette règle voudrait que l’Administration puisse exécuter d’office ses décisions sans recourir au juge, contrairement à un particulier qui a forcément besoin d’une décision de justice pour la reconnaissance et la mise en œuvre de son droit.
Ainsi, sur le fondement du privilège du préalable, nombreux sont ceux qui ont conseillé à M. Cellou Dalein Diallo de libérer la maison dont il se réclame propriétaire et de saisir par la suite la justice pour la reconnaissance de son droit. C’est tout le sens d’ailleurs de cette régie. En effet, aussi longtemps que le juge n’a pas annulé un acte administratif, il s’impose au particulier en dépit son illégalité. M. Diallo s’est donc résolu à quitter son domicile. Avait-il d’ailleurs choix vu le déploiement impressionnant d’éléments des forces de l’ordre devant l’immeuble en litige à l’expiration du délai qui lui avait été imparti ?
L’affaire a donc été « judiciarisée « . Pendant qu’elle est pendante devant le tribunal, l’on apprend que l’immeuble litigieux a été complètement démoli.
D’un côté, on dit à un citoyen de porter sa cause devant la justice en ayant confiance en celle-ci et de l’autre, on détruit le bien, objet du litige.
Quel est le sort de la procédure judiciaire engagée devant le Tribunal de Dixinn ? Le juge pourrait bien être tenté de dire qu’elle est désormais sans objet puisque l’immeuble, objet du litige n’existe plus.
Mais il n’est pas certain que ce soit une bonne solution. Le juge pourrait bien conduire le dossier jusqu’à terme c’est-à-dire à la prise d’une décision.
Si la propriété de M. Cellou Dalein Diallo était reconnue sur l’immeuble litigieux, il ne serait pas exclu que l’État se voit condamné au paiement de dommages intérêts d’un montant très élevé en réparation du préjudice causé à M. Cellou Dalein Diallo.
Mais tout cela reste entre les mains de la justice qui est censée être la boussole qui orientera les actes les uns et des autres.
Me Mohamed Traoré
Ancien bâtonnier