Pour des impératifs familiaux prévus de très longue date, je ne suis pas dans les rues pour joindre ma colère à la vôtre afin de renvoyer dans leurs casernes les bidasses qui nous gouvernent. Ceux qui me connaissent savent que je ne me sens épanoui qu’en brandissant des banderoles ou en dressant des barricades. C’est là que je me sens utile, c’est là que ma fonction d’écrivain prend tout son sens.
Ceux qui me connaissent savent que j’en suis profondément navré, si navré que je m’en suis excusé auprès de mon frère Koundouno et, grand-merci à eux, mes amis du FNDC m’ont compris et dispensé du devoir patriotique de ce 28 Juillet.
Je ne serai pas physiquement dans la foule qui, dès l’aube, commencera à marteler le macadam en criant « non à la transition éternelle ! » comme hier, elle criait « non au troisième mandat » ! Mais j’y serai par mon esprit et par mon cœur. Je partage déjà les nombreux sacrifices que vous y consentirez, mes braves compatriotes : la faim, la soif, la fatigue et la crainte à chaque pas de perdre votre vie ou celle d’un proche. Je pleure déjà les nombreux martyrs que ces inconditionnels de la mitraillette ne manqueront pas de faucher. Ces martyrs, nous les enterrerons dignement comme nous en avons enterré leurs centaines voire leurs milliers de prédécesseurs. Une mort inutile, ça n’existe pas. C’est le sang des martyrs d’aujourd’hui qui fera fleurir la Guinée démocratique de demain. Tout a un prix et celui de la liberté est le plus excessif de tous. « Le sang (entendez, celui des héros !) est le combustible de l’Histoire », disait Lénine. Demain, plus qu’aucun autre jour, soyons debout et fiers, soyons prêts à mourir pour les idéaux qui nous animent. N’ayons plus peur, Guinéens ! Tuons la peur qui est en nous ! La peur ne mène nulle part ou plutôt si, à la corvée, à la servitude, au cachot. Qu’ils nous tuent tous, s’ils le veulent, le dernier qui survivra goûtera enfin au fruit interdit du bien-être matériel et de la liberté. Il est temps, grand temps de sortir notre pays des mâchoires de la dictature. La dictature est le seul et unique mal de ce pays. Sinon, nous avons tout et la nature et les hommes, pour rattraper la Corée ou le Japon.
Rien ni la menace d’un caporal, ni le chantage d’un magistrat ni l’interdiction d’un maire mal élu ne doit nous empêcher de marcher. Le peuple ne demande aucune autorisation, parce que c’est lui le souverain. Le peuple ne recule pas parce que c’est lui la force. Cette junte est illégale, illégale des bérets aux brodequins. Vivement, le retour à l’ordre constitutionnel, aucun acte de diversion ne doit nous empêcher d’y parvenir ! Une transition de 36 mois est un mandat présidentiel gratuit, c’est une escroquerie politique et morale.
Ce 28 juillet, quoiqu’il en coûte, personne ne doit rester à la maison. Allons-y, compatriotes, l’atmosphère est favorable à nos luttes : les principales forces politiques se sont retrouvées autour du FNDC et la Communauté Internationale a compris que le Lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya n’est pas un chef de transition sincère, il ne cherche qu’à ruser pour prolonger à l’infini son pouvoir illégal.
Courage, compatriotes ! Et surtout dites aux bidasses qui nous gouvernent de me réserver ma part de balles meurtrières, de gaz lacrymogènes et de coups de matraques. J’irai les prendre dès que ma famille m’aura libéré.
Tierno Monénembo