L’Allemagne va envoyer des chars d’assaut Leopard 2à l’Ukraine et accepte qu’ils soient réexportés à Kiev par des pays partenaires. C’est ce qu’a annoncé, mercredi 25 janvier, le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit.
L’annonce a été faite à l’issue du Conseil des ministres de ce mercredi matin. « C’est le résultat d’intenses consultations qui ont eu lieu avec les partenaires européens et internationaux les plus proches de l’Allemagne », a précisé le porte-parole du gouvernement, Steffen Hebestreit.
Le chancelier Olaf Scholz a cédé à la pression qui s’était accumulée ces dernières semaines. « Cette décision est en ligne avec notre soutien bien connu à l’Ukraine au mieux de nos capacités. Nous agissons de manière étroitement coordonnée au niveau international », a déclaré le chancelier dans un communiqué.
Le chancelier, qui s’exprimait juste après avoir annoncé que Berlin acceptait la fourniture à l’Ukraine de chars lourds de fabrication allemande, s’est montré particulièrement prudent. Olaf Scholz autorise l’envoi de chars en Ukraine, mais insiste sur sa volonté d’empêcher une escalade avec la Russie. « Dans tout ce que nous faisons, nous devons toujours nous assurer que nous faisons ce qui possible et nécessaire pour soutenir l’Ukraine, tout en évitant une escalade de la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui mènerait à une guerre entre la Russie et l’Otan, a déclaré le chancelier allemand. Ce principe, nous allons toujours continuer à l’appliquer. C’est pourquoi, il est bon – et nous l’avons fait délibérément – que nous ayons progressé pas à pas sur ce dossier. C’est un principe que nous continuerons à appliquer à l’avenir. C’est le seul principe qui, dans une situation aussi complexe, garantisse la sécurité de l’Allemagne et de l’Europe. »
Quatorze chars livrés par l’Allemagne
L’objectif est la création rapide de deux bataillons de chars Leopard 2pour l’Ukraine. Berlin fournira dans un premier temps quatorze Leopard 2 puisés dans ses stocks, précise le communiqué. La formation des tankistes ukrainiens débutera prochainement et l’Allemagne fournira logistique et munitions à l’Ukraine, est-il encore indiqué.
« L’Allemagne donnera aux pays partenaires qui souhaitent livrer rapidement des chars Leopard 2 de leur stock à l’Ukraine les autorisations nécessaires pour le transfert », a conclu le porte-parole du gouvernement allemand. Les pays ayant acheté pour leurs forces armées des chars Leopard 2 à l’Allemagne doivent obtenir l’autorisation de Berlin pour les réexporter. Plusieurs pays, comme la Pologne qui en a officiellement fait la demande, ou encore la Finlande, se sont dit prêts à livrer des Leopard 2 à l’Ukraine.
L’Ukraine salue la décision allemande
Les pays alliés de l’Ukraine ont tous salué une décision qui pourrait bien faire changer le cours de la guerre tant sur le plan défensif que sur le plan offensif comme l’a affirmé le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. De son côté, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, s’est félicité sur Twitter de la « bonne décision » de l’Allemagne de livrer à Kiev des chars qui vont « renforcer la capacité défensive de l’Ukraine » face à l’invasion russe. Londres avait aussi annoncé l’envoi de chars lourds, des Challengers 2, il y a quelques jours. Reste à savoir si les États-Unis vont également suivre cette voie et annoncer la livraison de chars d’assaut Abrams M1 comme le suggère la presse américaine ce mercredi.
Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a remercié l’Allemagne pour sa décision d’envoyer des chars Leopard en Ukraine. « Merci, chancelier Olaf Scholz. La décision d’envoyer des Leopard en Ukraine est un grand pas vers l’objectif d’arrêter la Russie. On est plus forts ensemble », a tweeté Mateusz Morawiecki, sachant que Varsovie souhaite également envoyer 14 chars Leopard en Ukraine.
Même son de cloche en France où Paris « se félicite » de ce feu vert allemand, estimant qu’il « prolonge et amplifie » le soutien « engagé » par Paris avec la livraison de blindés plus légers AMX10-RC. C’est ce qu’a déclaré mercredi l’Élysée.
Suivez toute l’actualité internationale en téléchargeant l’application RFI
La présidence ukrainienne a, quant à elle, salué la décision allemande. « Un premier pas a été fait », a commenté sur Telegram Andriï Iermak, le chef de l’administration présidentielle, réclamant qu’une « coalition » internationale fournisse des chars lourds à son pays. « Nous avons besoin de beaucoup de Leopard », a-t-il résumé. Volodymyr Zelensky a déclaré, lors d’une conversation avec le chancelier allemand Olaf Scholz, être « sincèrement reconnaissant » pour le feu vert donné par Berlin.
L’ambassadeur russe en Allemagne a dénoncé, lui, la décision « extrêmement dangereuse » de Berlin de livrer des chars à l’Ukraine.
Des envois américains aussi
On attend également aujourd’hui des déclarations similaires concernant l’envoi de chars, du côté américain, et c’est l’une des surprises sur ce dossier. On savait que le chancelier Scholz ne voulait pas sembler seul face à la Russie avec ses livraisons de matériel lourd made in Germany, rapporte notre correspondante à Berlin, Nathalie Versieux. Visiblement, la stratégie d’attente du chancelier a porté ses fruits. Joe Biden devrait annoncer aujourd’hui la livraison de chars lourds Abrams, de fabrication américaine. Mais Kiev attend bien plus de ses alliés. L’ancien ambassadeur ukrainien à Berlin réclame déjà des sous-marins et des avions de chasse.
Le Leopard 2, un apport « significatif » sur le champ de bataille
« Je ne sais pas quand les premiers chars allemands seront là, nous allons très vite commencer l’entraînement et très vite clarifier les voies de ravitaillement et je pense que les premiers chars Leopard (2A6) pourront être en Ukraine dans trois mois environ », a précisé le ministre de la Défense, Boris Pistorius.
Le char lourd Leopard 2, que l’Allemagne a accepté de livrer à Kiev après des semaines de tergiversations, est une arme de renommée mondiale, susceptible d’avoir un impact « significatif » sur le champ de bataille, selon les experts. Conçu par le fabricant allemand Krauss-Maffei et construit en série à partir de la fin des années 1970 pour remplacer les chars américains M48 Patton puis le char Leopard 1, le Leopard 2 combine puissance de feu, mobilité et protection. Ce char de combat d’une soixantaine de tonnes est doté d’un canon lisse de calibre 120 mm permettant de combattre l’ennemi tout en se déplaçant, grâce à ses 1 500 chevaux, jusqu’à 70 km/h, avec une autonomie de 450 km.
Il est en outre doté, selon le fabricant, d’une « protection passive intégrale » efficace contre les mines et lances-roquettes. Son équipage de quatre personnes bénéficie en outre d’outils technologiques permettant de localiser et cibler l’ennemi à longue distance. Autre atout majeur : le Leopard est répandu sur le continent, facilitant ainsi l’accès aux munitions et pièces de rechange et simplifiant la maintenance, exigeante pour ce type de matériel.
Les quatre derniers modèles en date sont toujours utilisés, du 2A4, dont la Pologne propose de livrer à Kiev 14 exemplaires, au 2A7, dont Berlin n’est pas disposé à se séparer, préférant le conserver pour assurer sa propre défense. L’Allemagne, qui possèderait au total 312 Leopard 2, dont une centaine en maintenance, selon la presse allemande, va donc livrer 14 exemplaires du 2A6.