Les auditions des victimes des évènements du 28 septembre 2009 viennent d’être entamées devant le tribunal criminel délocalisé de Dixinn. Oury Bailo Bah, avocat de profession, est le premier à faire sa déposition. Assis sur un fauteuil roulant, cet homme à mobilité réduite a déclaré à la barre avoir perdu son jeune frère du nom de Elhadj Hassan Bah au stade du 28 stade dans des circonstances non encore élucidées. Il précise que celui-ci fait partie de la cohorte des disparus des tragiques événements du stade du même nom.
Dans sa narration des faits, Oury Bailo Bah a déclaré que c’est aux environs de 9 heures, jour du 28 septembre 2009, que son frère est sorti, dans le but d’aller assister à un baptême, mais qui a suivi le mouvement de foule sans savoir qu’il se rendait au Stade. Au cours de leur échange téléphonique, celui-ci lui a dit qu’il était aux alentours du stade. Suite aux tirs des gendarmes qui ont retenti entre temps, en présence de colonel Thieboro deux personnes sont mortes.
« Vers midi, c’est moi qu’il l’appelle, il me dit : les bérets rouges sont rentrés » et j’entends les crépitements des balles, les gens qui criaient. Puis d’un coup, je ne l’entendais plus mais le téléphone était toujours allumé, j’entendais le bruit (…). Je mets la télé sur France 24, je vois sur bande passante : massacre du 28 septembre, 10 morts », a-t-il expliqué.
A 13 h, Il dit avoir été informé que le transport des corps et les blessés avait commencé dans les hôpitaux. C’est ainsi qu’il s’est rendu à Ignace Deen où il n’a pas retrouvé son frère. De là-bas, lui et ses sœurs se sont rendus au CHU Donka.
« A Donka, je suis témoin de certaines scènes, des blessés qu’on transportait, J’ai vu du sang qui coulait comme si nous étions dans une boucherie. Quand les bérets rouges sont arrivés à la morgue, ils ont chassé les gens qui sont venus chercher leurs parents devant le ministre de la santé (Abdoulaye Chérif Diaby), c’était la débandade. Ma sœur a même foulé son pied en tentant de fuir », a-t-il relaté, ajoutant que toutes les tentatives de recherche ont été vaines.
Selon lui, c’est aux environs de 18 heures, qu’il a reçu la nouvelle fatidiques « une personne qui était au stade qui m’a dit mon frère soit courageux, j’ai vu Hassan parmi les morts. Pour être sûr, je me suis approché de son corps j’ai bien vu que c’était lui. J’ai fouillé dans sa poche, j’ai trouvé 7mille et la clé », a-t-il rapporté en larme, plongeant le public dans l’émoi.
Dans le souci de retrouver le corps de son frère, afin de l’enterrer dans la dignité, lui et ses sœurs se sont rendus dans la soirée au Camp Alpha Yaya Diallo où des proches qui sont militaires lui ont dit d’aller chez les Tiéboro et Claude Pivi où certains manifestants ont été déposés.
« Quand mes sœurs sont allées on leur a dit de héler son nom comme ça on saura s’il est là-bas. Mais, il y avait beaucoup de gens qui criaient en disant aidez-nous ! Certains militaires ont même dit qu’ils ont eu ce qu’ils cherchaient », a fustigé la victime à la barre.
D’après lui, ce n’est que cinq jours après que la restitution des corps a été organisée, précisant que certains avaient commencé à se décomposer. « Beaucoup de corps avaient commencé à pourrir. Je relève un manque total de dignité dans le traitement des corps. Pis, ils ont annoncé 57 mais il n’y avait pas 57 corps là-bas… Ce qui a été annoncé était en deçà de ce qu’ils ont envoyé. On n’a pas retrouvé le corps de mon frère »,
Il soutient dur comme fer que le corps de son frère a bel et bien été vu au stade du 28 septembre. « Le corps de mon petit frère a été vu sur l’esplanade du stade avec d’autres corps alignés. Il a été photographié et filmé. Mais son corps a disparu. Les personnes qui l’on vu m’ont dit qu’il a reçu un coup à la nuque », a-t-il expliqué en brandissant une photo sur laquelle le corps de son frère est visible.
Oury Bailo dit avoir même passé un test ADN chez le médecin légiste professeur Hassan Bah mais en vain « on nous a dit que son corps ne se retrouve parmi les corps qui ont été enterrés »
« Nous n’avons même pas une tombe où nous recueillir. Ce que nous retenons c’est son souvenir… Je voudrai qu’on me dise où se trouve le corps de mon frère… C’est bien une preuve qu’il a été tué, c’est également une preuve que son corps a disparu… J’ai même été obligé de mentir à ma mère à qui j’ai dit que le corps de mon frère était tel qu’on peut pas le transporter », a-t-il conclu.
Fatoumata Diaraye Bah, Pour Mondemedia.info