Après des mois de tension, des combats ont éclaté samedi matin entre les soldats de l’armée régulière et les FSR, la milice du numéro 2 de la Transition le général Hemedti. Le bilan provisoire, annoncé ce dimanche 16 avril au matin par le syndicat des médecins, est de 56 morts parmi les civils, des dizaines d’autres chez les belligérants et de plusieurs centaines de blessés.
Le jour s’est levé à Khartoum au son des mitrailleuses Dushka et des tirs d’artillerie. Toute la nuit, les explosions se sont poursuivies, comme un orage en fond sonore, à faire trembler les fenêtres, rapporte notre correspondant à Khartoum, Eliott Brachet. Les habitants de la capitale n’ont pas fermé l’œil, calfeutrés chez eux.
La journée de dimanche a été déclarée fériée dans l’Etat de Khartoum, où les écoles, les banques et les bureaux gouvernementaux seront fermés.
Seuls des militaires combattent dans les rues et ce dimanche matin, les affrontements semblent avoir redoublé d’intensité, principalement localisés sur les bases militaires qui cernent Khartoum au Sud, au Nord et à l’Ouest. Mais aussi dans le cœur de la capitale, autour du quartier général de l’armée d’où s’échappent des panaches de fumée.
Des renforts pour les FSR ce dimanche matin
Le conflit s’est étendu à de nombreuses villes, à Port-Soudan et Kassala, dans l’est du Soudan, à El-Obeid au centre, et toujours au Darfour dans les grandes villes. Le général Hemedti l’avait déclaré hier : ses troupes paramilitaires ne s’arrêteront pas tant qu’elles n’auront pas le contrôle de toutes les bases militaires du pays. Plusieurs rapports indiquent que les FSR ont reçu des renforts ce matin à Khartoum. Un avion de combat de l’armée a effectué des frappes ce matin.
C’est en 2013 que les FSR ont été créées, au Darfour, par l’ancien président Omar el-Béchir. Il s’agit alors d’utiliser des milices janjawids contre des groupes rebelles. Mais ces paramilitaires ont pris de l’ampleur, comme l’explique Roland Marchal, chercheur à Sciences Po Paris sur le Soudan, au micro de Gaëlle Laleix, de la rédaction Afrique.
« Les militaires ont créé les FSR [ou RSF pour Rapid support forces en anglais], et dans le reste de la décennie des années 2010 – notamment grâce aux Émirats arabes unis et la guerre au Yémen – ça a été une autonomisation beaucoup plus grande de ces forces paramilitaires qui ont été utilisées dans différents conflits, avec l’accord du président soudanais Omar el-Béchir, notamment au Yémen et puis même en Libye dans leur soutien au général Haftar. Cette autonomisation économique a fait que cette force… a grandi. Aujourd’hui, on l’estime à plus de 110 000 hommes. C’est vraiment une armée bis, et évidemment, son leader, acquérant à la fois un profil militaire beaucoup plus grand et une surface économique aussi beaucoup plus grande, a décidé qu’il fallait peut-être faire de la politique. Ce n’est pas tellement qu’on a à faire à un grand démocrate sincère, c’est surtout quelqu’un qui voit son espace politique de plus en plus restreint et qui sait que sa survie politique et économique sera beaucoup plus liée à une transition vers un pouvoir civil, qu’au maintien d’une junte qui dysfonctionne et qui ne permet rien du tout. »
Le commandement des forces régulières continue de communiquer, affirmant que la victoire est proche. Le général al-Burhan s’est affiché samedi soir saluant ses troupes dans les rues. Mais c’est une guerre de propagande qui est lancée. Tout peut évoluer très vite.
Au vu de leurs déclarations antagonistes, les deux généraux – Abdel Fattah al-Burhan et Hemedti, ancien alliés lors du coup d’État de 2021 – semblent s’être lancés dans un combat à mort. Les deux sont notamment en désaccord sur la façon d’intégrer les RSF au sein de l’armée, disposition prévue dans le futur accord politique censé rendre à terme le pouvoir aux civils. Accord dont la signature a été reportée sine die.
Inquiétude internationale, réunion de la Ligue arabe
Samedi, les appels à la cessation des hostilités se sont multipliés de la part des Nations unies, des États-Unis, de la Russie, de l’Union européenne et de pays voisins. Le Tchad a ainsi fermé sa frontière samedi soir avec le Soudan.
La Ligue arabe a annoncé une réunion d’urgence ce dimanche au Caire, à la demande de l’Egypte et de l’Arabie saoudite. Le Caire a exprimé sa profonde préoccupation. Des militaires égyptiens ont été fait prisonniers par les Forces de soutien rapide soudanaises, alors qu’ils participaient à des manœuvres aériennes avec l’aviation soudanaise, rapporte notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti. « Les militaires égyptiens sont des envahisseurs » et donc des prisonniers de guerre : c’est ce qu’ont déclaré des officiers de la Force de soutien rapide (FSR) dans une vidéo où l’on voyait des militaires égyptiens malmenés à l’aéroport soudanais de Méroé.
Des Mig-29 égyptiens qui participaient aux manœuvres aériennes ont été sabotés sur la piste de l’aéroport. Le porte-parole militaire égyptien a déclaré que les Forces armées suivaient de très près les événements préoccupants au Soudan. Quelques heures plus tard, le chef de la Force de soutien rapide, le général Hemedti, a déclaré que les militaires égyptiens n’étaient pas détenus et a regretté la publication de la vidéo de leur arrestation. Une déclaration visant à empêcher que l’Egypte ne devienne partie prenante dans le conflit opposant la Force de soutien rapide à l’armée soudanaise. De nombreuses voix, notamment sur les médias sociaux égyptiens, réclament « vengeance » par le biais d’une opération militaire.