Le 5 septembre est une date gravée dans la mémoire collective des Guinéens, marquant le coup d’État mené par les forces spéciales sous la direction du colonel Mamadi Doumbouya. Cet événement, perçu par de nombreux citoyens comme une lueur d’espoir pour l’avenir politique du pays, est survenu après une période de grande instabilité politique durant le dernier mandat du professeur Alpha Condé. Ce dernier mandat, controversé et largement critiqué, a exacerbé les tensions et divisé la société guinéenne. Ainsi, une grande partie de la population a vu dans ce coup d’État un acte libérateur, mettant fin à un troisième mandat contesté et perçu comme illégitime par une frange importante du pays.
L’un des aspects innovants de ce renversement de pouvoir a été la promulgation rapide d’une charte de transition, définissant les contours d’une nouvelle ère pour la Guinée. Ce document a été accueilli favorablement par une majorité de la population, car il offrait une feuille de route claire vers un retour à l’ordre constitutionnel. En outre, le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD) s’est montré ferme et explicite en affirmant qu’aucun de ses membres, ni ceux des membres de son gouvernements, ni ceux du Conseil National de Transition (CNT), ne pourraient briguer un poste électif à l’issue de cette transition. Cette déclaration visait à rassurer la population et à garantir que le processus de transition ne serait pas utilisé pour conférer un avantage politique à ceux qui avaient pris le pouvoir par la force.
Cependant, trois ans après cet événement, bien que certaines réformes salutaires aient été mises en œuvre et que certaines infrastructures aient été réalisées, une incertitude demeure. Le peuple guinéen s’interroge sur la réelle volonté du CNRD d’organiser des élections dans les délais initialement promis. Le doute s’installe, en grande partie parce que, malgré ces avancées, aucune date précise n’a été fixée pour les élections. Cette absence de clarté renforce les spéculations sur les véritables intentions des dirigeants actuels.
Ce climat d’incertitude est exacerbé par la multiplication récente de mouvements de soutien en faveur des actions et des idéaux du CNRD. Ces manifestations de soutien, aussi nombreuses qu’inattendues, suscitent des interrogations. Que se cache-t-il réellement derrière ces mouvements ? S’agit-il d’un élan spontané en faveur des réformes, ou plutôt d’une tentative de préparation de l’opinion publique à un éventuel maintien du CNRD au pouvoir au-delà de la période de transition? Ces questions sont légitimes et méritent des réponses claires.
En cette période de doute, il devient impératif que le président Mamadi Doumbouya s’adresse à la nation pour dissiper les inquiétudes. Si celui-ci envisage de se porter candidat aux prochaines élections, il est temps de l’annoncer clairement. Une telle déclaration permettrait de mettre fin à cette période d’incertitude et d’établir un chronogramme électoral définitif, donnant ainsi au peuple une vision claire de l’avenir. Il est primordial que la transition se termine dans la transparence, afin que la population puisse savoir à quoi s’en tenir et se préparer en conséquence.
La conquête du pouvoir par le CNRD, réalisée par les armes, doit désormais être légitimée ou abandonnée. Le moment est venu pour ces dirigeants de se mesurer aux autres prétendants dans un cadre électoral, afin que le choix du peuple soit respecté. Si le CNRD remporte les élections, son pouvoir sera ainsi légitimé par les urnes. Dans le cas contraire, il devra céder le pouvoir à celui que le peuple aura élu. Une telle démarche renforcerait l’image de la Guinée sur la scène internationale, en montrant qu’elle respecte les principes démocratiques et l’État de droit.
Il convient toutefois de rappeler que la situation en Guinée diffère de celle des autres pays de la sous-région, où les pays sont souvent confronté par le terrorisme, ou des velléités sécessionnistes. La Guinée, jusqu’à présent, a été épargnée par de telles crises majeures, ce qui devrait lui permettre d’organiser sereinement son retour à l’ordre constitutionnel. Toutefois, il est essentiel que le peuple soit informé du moment précis où cette transition prendra fin et que le pays pourra sortir de cette période d’incertitude.
En somme, le troisième anniversaire du coup d’État est une opportunité pour les dirigeants actuels de prendre la parole et de rassurer les Guinéens quant à l’avenir politique du pays. Il est temps de rétablir la confiance et d’avancer vers des élections libres et transparentes, qui permettront au peuple de choisir librement ses dirigeants. C’est ainsi que la Guinée pourra retrouver sa place parmi les nations respectueuses des principes démocratiques et entamer une nouvelle ère de stabilité et de développement.
Abdoulaye DABO