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Au nom du peuple, ressaisissons-nous ! (Par Tibou Kamara)

Le peuple n’existe pas en tant que tel dans l’abstraction des discours pompeux et populistes. Il ne saurait se reconnaître ni se fondre dans le prisme des opinions partisanes et des prises de position opportunistes et conjoncturelles. Le peuple s’exprime et se prononce à travers le mandat qu’il donne de plein gré, c’est-à-dire par le pouvoir qu’il confère, en toute liberté et indépendance, en exerçant sa souveraineté à des élus. Il brille par la légitimité accordée par lui aux institutions mises en place suite à sa volonté inaliénable, sortie tout droit des urnes.

En dehors des élections, moment où il est consulté et où il a son mot à dire, le peuple n’est représenté par personne, et nul n’est autorisé à parler ou agir en son nom. Sinon, pourquoi certains, dans la cité, seraient-ils plus fondés que d’autres à se dire élus ou mandatés par le peuple ?

La loi établit l’égalité entre les citoyens en droits et en devoirs, mais la démocratie autorise certains à se placer au-dessus des autres, conférant à une poignée d’élus le pouvoir de diriger le pays et d’exercer leur autorité sur chaque citoyen. Ceux qui bénéficient de plus de droits, jouissant d’un « statut supérieur à celui du commun des mortels », doivent également assumer davantage de responsabilités que le citoyen ordinaire. Les inégalités et les discriminations, profondément ancrées dans la vie sociale, mettent à l’épreuve les fondements de la République. Ainsi, ceux qui occupent ces positions privilégiées se doivent de répondre à des exigences plus strictes, en contrepartie de leur statut exceptionnel.

Mais que constate-t-on, fort malheureusement ? Lorsqu’on est au sommet de la pyramide, on ne se fixe ni interdits ni limites. Les uns et les autres rivalisent d’ardeur et d’imagination pour excuser et justifier tout ce qui vient d’en haut, avant de se rétracter en regrettant et condamnant tout et tout le monde lorsque la disgrâce arrive. Le discernement qui a manqué, la lucidité ayant fait défaut, sont soudainement retrouvés. Pour paraphraser le titre du livre d’Abdoulaye Porthos (La Vérité du ministre), les faits n’importent guère à ce moment-là, seule la version des décideurs s’impose à tous. Ce que veut le chef, le peuple le veut et l’approuve, comme si Dieu l’avait décidé et accepté. Alors, il n’y a plus de débat, il ne saurait y avoir d’opposition. Comme l’avait dit mon défunt ami et frère, le Premier ministre ivoirien Ahmed Bakayoko : « Tout est calé, bouclé, géré… »

e peuple n’aura jamais de candidats tous issus de lui. Il choisit parmi ceux qui se présentent devant lui, son élu pour un temps déterminé qui n’est pas infini. La question qui demeure est de convenir ensemble, une fois pour toutes, de la manière dont on accède au pouvoir, l’exerce, le conserve et le transmet, pour qu’il n’y ait pas de mélange des genres, qu’on ne soit pas obligé tout le temps de tricher avec les valeurs, les principes et les exigences de la démocratie. En clair, qu’on ne se voie pas forcé de raconter n’importe quoi, n’importe comment, à n’importe qui, dans un rôle ingrat et souvent dégradant.

L’ambiguïté ne profite à personne. Le discours politique évolue avec le temps et s’adapte aux mœurs. Même si l’on veut nous ramener à certains égards aux années 60 par une rhétorique surannée et des comportements d’extrême servilité, le monde n’est plus le même. Il y a de nouvelles générations montantes : le parti-État, l’instrumentalisation du peuple, le dogmatisme, le guide suprême, bref, toutes les notions et idéologies qui ne s’inscrivent pas dans la démocratie et jurent avec l’État de droit sont tombées en désuétude. Il est toujours bon de s’y faire plutôt que de se voir rappeler à l’ordre par les forces du progrès ou rattrapé par les réalités du temps.
Á bon entendeur …

 

Tibou Kamara