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GUINEE- Journée internationale de la liberté de la presse : le SPPG dresse un bilan et interpelle les autorités

Le 3 mai marque la Journée mondiale de la liberté de la presse. À l’instar des autres pays, la République de Guinée a célébré cette journée, soulignant son importance pour le développement démocratique.

Ce samedi, à la Maison de la Presse de Conakry, le Syndicat des Professionnels de la Presse de Guinée (SPPG) a livré une déclaration dans laquelle il a brièvement dressé un état des lieux du secteur médiatique en Guinée. À cette occasion, le SPPG a également formulé des recommandations fermes à l’endroit de la Haute Autorité de la Communication (HAC), l’invitant à plus de responsabilité dans la régulation du paysage médiatique guinéen.

 

<< Pour commémorer la Journée mondiale de la liberté de la presse 2025, l’UNESCO a retenu comme thème principal, informer dans un monde complexe, l’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et les médias. Au niveau national, ici, le SPPG a travaillé sur un sous-thème formulé comme suit. Informer dans un pays en transition militaire, l’impact de la fermeture des médias sur les conditions de vie des journalistes et l’avenir du journalisme en Guinée.

 

Du retrait des agréments de télé et radio avec leurs conséquences, à la disparition de Habib Marwan en passant par des décisions de suspension contre certains journalistes et leurs sites d’information, ou encore des cas de détentions arbitraires, de séquestration, intimidation, menaces, censure ou l’auto-censure par peur de représailles, les professionnels guinéens se demandent réellement ce que sera l’avenir du journalisme indépendant dans notre pays. Vous comprendrez donc que nous n’avons pas choisi ce sous-thème au hasard. C’est le fruit d’une réflexion dont les conclusions reflètent le contexte particulièrement hostile dans lequel nous exerçons depuis plus de deux ans maintenant.

 

Rien que pour la période allant du 1er au 31 décembre 2024, la troisième édition du rapport annuel du SPPG sur la liberté de la presse a documenté 70 atteintes graves à la liberté de la presse, contre 23 l’année précédente, soit 240 % d’augmentation d’actes liberticides. Dans le classement mondial des reportages sans frontières aussi, notre pays a malheureusement perdu 25 points cette année. Du 78e rang qu’on a occupé en 2024, nous sommes passés à la 103e place sur 180 pays et territoires.

 

C’est d’ailleurs l’état qui a le plus reculé dans le monde cette fois-ci. De la catégorie des zones en situation problématique, nous sommes passés à celle des pays en situation difficile. C’est pourquoi, à l’occasion de cette journée symbolique du Trois-Mains, le syndicat des professionnels de la presse de Guinée a jugé nécessaire de lancer un appel solennel à une prise de conscience générale et au dialogue sincère pour inverser la tendance.

 

Cet appel concerne à la fois des acteurs du monde immédiat, donc syndicats et patronats de la presse, autorités guinéennes, partenaires africains et ceux de la communauté internationale. Chacun des acteurs concernés doit se rappeler des engagements pris quant à la protection et la promotion de la liberté de la presse élargie à la liberté d’expression. Des instruments juridiques et des déclarations de bonnes pratiques y afférant sont nombreux.

 

D’abord, les États membres de l’ONU se sont engagés dans ce sens à travers plusieurs dispositions, notamment l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui dit clairement « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression ». Cet engagement est réitéré et détaillé à l’article 19, cette fois-ci du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule à l’alinéa 2 que « Toute personne a droit à la liberté d’expression ». Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce sans considération des frontières sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique ou par tout autre moyen de son choix. Voilà l’origine des garanties juridiques données à l’exercice libre de notre métier qui consiste justement à rechercher les informations, les collecter, traiter et diffuser. En plus de ces dispositions qui engagent tous les pays membres des Nations Unies, il y a d’autres instruments pour chaque continent ou grand ensemble.

 

C’est le cas des États délués soumis aux obligations de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ou encore les États-Unis à travers le premier amendement de la Constitution américaine. Entre ces continents aussi, il existe par endroits des instruments contraignants par lesquels les États comme la Guinée s’engagent à respecter la liberté de la presse et les droits de l’homme. Il s’agit entre autres de l’accord de Cotonou qui a été remplacé par l’accord de Samoa.

 

C’est une convention qui lie l’Union Européenne à ses partenaires d’Afrique, Caraïbe et Pacifique. Sur le plan régional, nous avons la déclaration de Windhoek sur la promotion d’une presse africaine indépendante pluraliste de 1991 qui a d’ailleurs abouti à l’institutionnalisation de cette journée internationale que nous célébrons aujourd’hui. Cette déclaration affirme dès le premier amendement que la création, le maintien et le renforcement d’une presse indépendante pluraliste et libre sont indispensables au progrès et à la préservation de la démocratie dans un pays ainsi qu’au développement économique.

En termes clairs, sans presse libre, indépendante et plurielle, il n’y a ni démocratie ni développement économique. On pourrait citer beaucoup d’autres dispositions de la déclaration des principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique. Mais puisque le temps ne nous le permet pas, revenons au niveau national pour évoquer un peu la législation guinéenne.

 

Là également, nous avons plein de stipulations constitutionnelles qui garantissent la liberté de la presse et l’indépendance des médias. On les retrouve dans toutes les constitutions que notre pays a connues depuis les années 90 notamment. Certes, ces constitutions ne sont plus en vigueur mais la charte de la transition qui nous gouverne actuellement dispose à l’article 19 « Tout individu a le droit de s’informer et d’être informé ». Plus loin, la charte de la transition ajoute à l’article 23 « Les libertés d’opinion, d’expression, de conscience et de culte sont garanties.

 

Les conditions de leur exercice sont définies par la loi ». Parlant justement des lois qui définissent les conditions de l’exercice de cette liberté, on note la L0D qui dépénalise les délits de presse, la L027 portant droit d’accès à l’information publique ou encore la L0D sur la haute autorité de la communication HAC. Chers camarades professionnels de l’information, si tous ces textes nous donnent des droits et libertés dont le respect et la protection incombent en grande partie aux autorités, gardons aussi à l’esprit que nous avons des règles d’éthique et de déontologie à observer et des limites légales à ne pas franchir. Les journalistes doivent par exemple s’imposer la rigueur des principes de vérification des paires, le recoupement des sources, le respect de la vie privée, de la dignité humaine et tant d’autres.

 

Bref, il faut avoir un sens de responsabilité très élevé dans l’exercice de ce noble métier. L’article 20 du pacte international relatif aux droits civils et politiques nous apprend par exemple que toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi. La linéa 2 du même article dispose, je cite, tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdite par la loi.

 

Nous avons cité tout ce texte pour rappeler que l’exercice de notre beau et noble métier est très bien encadré. Il suffit juste que chaque composante concernée respecte sa part d’engagement. Réitérant l’appel à une prise de conscience générale et au dialogue sincère que nous avons lancé si haut, le SPPG recommande aux autorités de rétablir les médias fermés pour permettre à ces un millier de pères et mères de familles contraints au chômage depuis un an de reprendre une vie normale.

 

De publier les conclusions des enquêtes annoncées dans le dossier du journaliste Habib Marwan Kamara, kidnappé depuis le 3 décembre 2024, et d’user toute la puissance de l’Etat pour le ramener à sa famille et à ses confrères. De garantir la sécurité physique et morale des journalistes. De veiller à l’implication effective du SPPG dans les réformes du secteur des médias.

 

De veiller au respect des engagements que l’Etat guénien a pris à l’international en matière de la liberté de la presse élargie à la liberté d’expression. De revoir à la hoste la subvention à la presse et d’y prévoir la part du syndicat. De veiller au nom de la rectification institutionnelle à ce que le SPPG intègre la haute autorité de la communication avec le même nombre de représentants que celui du bloc patronal pour garantir la légitimité de cette institution.

 

A la HAC, le SPPG recommande de lever la suspension du journaliste Toumani Kamara ainsi que celle de son site d’information interdit pour trois mois et de prendre en compte ses alertes lancées pour la protection de l’environnement afin de sauver le parc national du Haut-Niger qui est un patrimoine national et mondial. De prendre en compte la note technique que le SPPG doit adresser en 2023 pour rappeler qu’en matière de diffamation en Guinée, la suspension ne doit intervenir que lorsque la personne diffamée l’a été en raison de son appartenance ethnique, régionale, religieuse et d’autres considérations discriminatoires. Au patron des médias, le SPPG recommande de signer enfin la convention collective des journalistes avec le syndicat de la presse pour améliorer les conditions de vie et du travail des employés et de faire du paysage médiatique Guinée un secteur organisé, respecté et prospère, d’assurer la formation continue des employés.

 

A la communauté internationale, le SPPG recommande de rester attaché aux valeurs universellement reconnues comme la liberté de la presse, la sécurité et l’indépendance des journalistes, d’accompagner le syndicat pour la formation des journalistes qui s’apprêtent à couvrir d’importantes échéances électorales pour un retour crédible à l’ordre constitutionnel, de soutenir les efforts de l’ONU Droits de l’Homme qui a entamé une médiation entre le syndicat et les organisations patronales de presse dans le but d’aboutir à un dialogue sincère entre les autorités et les acteurs du monde des médias. Connard Cris, le 3 mai 2025, le bureau national》declare Sekou Zamal Pendessa secrétaire général du SPPG.