C’est une affaire aux allures de scandale national. À quelques jours des derniers départs pour le pèlerinage à la Mecque, 416 pèlerins guinéens se retrouvent bloqués à Conakry, victimes d’une vaste escroquerie orchestrée par une agence fictive se réclamant proche de la mère du président de la République, le Général Mamadi Doumbouya. Ce mardi 27 mai 2025, les victimes se sont rendues massivement à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) pour porter plainte et exiger leur intégration dans les prochains convois de pèlerins.
Selon les témoignages recueillis, la supercherie aurait été montée par une femme se faisant appeler Hadja Domani Konaté, alias « Nani ». Elle se serait présentée comme une proche de la famille présidentielle et aurait créé une fausse agence de voyage islamique pour le Hadj, attirant ainsi des centaines de fidèles en quête de spiritualité. Amara 2 Sylla, porte-parole du collectif des victimes, explique :
« Il y a 416 personnes qui ont été arnaquées pour le Hadj 2025. Cette escroquerie a été commise au nom de la mère du président de la République, le Général Mamadi Doumbouya. La formation s’est déroulée à la mosquée Fossidet, l’une des dix mosquées sélectionnées par la Ligue islamique de Guinée. Cette dame a tout organisé en utilisant le nom de la mère du Président. Elle recevait directement les paiements, en espèces ou par virement bancaire. Certaines agences agréées ont même dirigé des personnes vers elle », a-t-il indiqué.
La crédibilité de cette fausse agence était renforcée par une logistique bien rodée : formations dispensées à la mosquée Fossidet — l’une des dix mosquées officiellement retenues par la Ligue islamique de Guinée —, distribution d’uniformes et même administration de vaccins exigés pour le pèlerinage.
« À la mosquée Fossidet, les formations se déroulaient normalement. Tous les guides religieux venaient nous rassurer que nous étions dans un bon groupe, à part. On a été vaccinés, on nous a dit qu’il y avait 10 000 vaccins pour 10 000 pèlerins en Guinée. On a même reçu des uniformes venant de la Ligue islamique, ce qui renforçait la crédibilité de cette agence fictive », poursuit-il.
Pour les victimes, il ne fait aucun doute que l’opération était bien organisée et bénéficiait de complicités à plusieurs niveaux.
« Elle a tout manigancé pour obtenir les vaccins à Fossidet. Cela prouve qu’il s’agit d’un réseau structuré, impliquant plusieurs personnes. Si nous avons été vaccinés, comment a-t-elle obtenu ces doses ? Comment a-t-elle eu les uniformes ? Certains ont payé jusqu’à 75 millions de francs guinéens. Le minimum versé était de 50 millions »,s’interroge-t-il.
À ce jour, Hadja Domani Konaté reste introuvable. Selon nos informations, ses comptes bancaires ont été gelés, mais aucune interpellation n’a encore eu lieu. Face à cette situation, les 416 victimes ont formé un collectif pour déposer plainte officiellement auprès de la DCPJ.
Les pèlerins floués lancent désormais un appel à l’intervention du chef de l’État et des autorités religieuses.
« Aujourd’hui, nous lançons un appel au président de la République et à ses ministres. Nous avons payé cet argent pour accomplir un devoir religieux, pas pour qu’il soit détourné. Jusqu’à présent, aucun responsable religieux ne nous a reçus. Nos passeports sont à la DCPJ. On ne sait toujours pas si nous allons partir. Si Dieu le veut, nous partirons. Mais pour le moment, rien n’est sûr. Pourtant, on nous avait promis un quota de 10 000 vaccins pour 10 000 pèlerins. Si nous avons été vaccinés, pourquoi ne sommes-nous pas parmi les partants ? », déplore le porte-parole.