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GUINEE- Crise de liquidité : Sortir du déni et reconstruire la confiance

 

Depuis plusieurs mois, la Guinée est confrontée à une crise de liquidité sans précédent. Les banques primaires plafonnent les retraits, les clients réduisent leurs activités, et l’économie réelle ralentit dangereusement. Ce que nous vivons est bien plus qu’un simple déséquilibre financier :  c’est une crise de confiance généralisée.

 

Contrairement aux affirmations du Premier ministre, cette crise n’est pas causée par l’effet de la croissance , mais plutôt par un affaiblissement de la coordination monétaire, de la transparence économique et de la stabilité politique. Elle illustre la fragilité de notre système financier lorsque la confiance, pilier central de toute économie, est rompue à plusieurs niveaux : entre la Banque centrale et les banques primaires, entre l’État guinéen et les institutions de Bretton Woods, et entre les autorités et les investisseurs.

 

Simandou : un projet géant, une communication bancale

 

Le projet Simandou pourrait être un levier décisif pour l’économie guinéenne. Pourtant, la présentation qui en a été faite à Washington, le 23 avril 2025, par le ministre des Finances et le Gouverneur de la Banque centrale, a semé le doute. Annoncer une mobilisation de 300 milliards de dollars sans fondement solide a, au contraire, inquiété les partenaires internationaux.

 

Les évaluations réalistes situent la valeur du projet entre 15 et 25 milliards de dollars, ce sont des études réalisées par Vale, Rio Tinto et Goldman Sachs et les investissements nécessaires autour de 10 à 15 milliards selon Rio Tinto et Winning Consortium. La valorisation totale ne dépasse donc pas 50 milliards. Exagérer ces chiffres mine notre crédibilité et compromet tout espoir de soutien international. Il faut un retour urgent à la transparence.

 

-Ramener les devises et restaurer la circulation du cash

 

Une grande partie des flux en devises générés par Simandou sort du pays sans bénéficier à l’économie nationale. La Banque centrale doit entamer des négociations fermes pour que ces capitaux transitent en partie par les banques guinéennes. Cela permettrait de renforcer les réserves en dollars, stabiliser le franc guinéen (GNF) et alléger les tensions sur les prix.

 

En parallèle, une action urgente s’impose : le remplacement des billets mutilés, aujourd’hui stockés dans les banques sans pouvoir circuler. Ce simple geste technique peut injecter des milliards de GNF dans l’économie, sans risque inflationniste. Ces billets mutilés coûtent beaucoup en assurance pour les banques primaires. Une réunion avec les banques primaires pour évaluer le stock de billets mutiles pour une commande afin de réinjecter cela dans l’économie sera une bouffée d’oxygène

 

Rétablir  la relation de confiance  entre la Banque centrale et les banques primaires

 

La Banque centrale doit jouer pleinement son rôle de soutien au système bancaire. Cela signifie :

 

– Lever les frais injustifiés sur les retraits en devises (1 % sur USD et EUR),

– Réactiver les canaux de refinancement entre banques (marché interbancaire),

– Et surtout, garantir l’accès des banques à leurs propres dépôts, sans condition ni délai.

 

Sans cela, la paralysie persistera. Ce climat délétère appelle un renouvellement du leadership au niveau de la banque centrale secoué par des scandales, un leadership plus intègre, plus compétent et plus transparent.

 

-L’économie a besoin de visibilité politique

 

Enfin, cette crise de liquidité est aggravée par l’absence d’horizon politique. Une transition sans calendrier clair nourrit la méfiance. Il est impératif d’annoncer une feuille de route crédible pour le retour à l’ordre constitutionnel. C’est le seul moyen de restaurer la confiance des partenaires internationaux et des investisseurs.

 

Pour sortir de la crise, il faut agir maintenant

 

Ce n’est pas une fatalité. Des solutions existent, elles sont connues, réalistes, et à portée de main :

 

* Transparence totale sur le projet Simandou,

* Rapatriement d’une part des devises d’investissement,

* Injection de billets neufs dans le circuit économique pour remplacer les billets mutilés,

* Réforme urgente de la Banque centrale,

* Reprise du dialogue avec le FMI et la Banque mondiale,

* Mise en place d’un calendrier de sortie de transition.

 

Ce n’est qu’au prix de ces réformes que la Guinée pourra retrouver la confiance, condition sine qua non pour surmonter cette crise. Ce n’est pas du pessimisme, c’est une alerte citoyenne, responsable et lucide.

 

Bella Bah

Analyste financier,

Président  de la Jeunesse Citoyenne

abbellabah@gmail.com