Alors que les violences post-électorales en Guinée ont fait au moins 18 morts d’après le gouvernement, une trentaine selon l’opposition, depuis le scrutin du 18 octobre, Amnesty International a déclaré dimanche 25 octobre que les forces de sécurité avaient tiré à balles réelles contre des manifestants.
Selon l’ONG de défense des droits de l’homme, il y a des preuves que des membres des forces de sécurité guinéennes ont tiré «à balles réelles». L’organisation de défense des droits de l’homme explique avoir travaillé à partir de témoignages, de photos et de vidéos authentifiées pour en venir à ces conclusions. Fabien Offner, chercheur pour l’Afrique de l’Ouest et centrale à Amnesty International, explique comment ils travaillent pour vérifier les informations données : «On remonte aux auteurs de la vidéo, et l’on travaille avec des collaborateurs qui sont spécialisés dans les images satellites pour permettre une fois qu’on a eu quelques éléments sur l’adresse précise où a été tournée ces vidéos, pour vérifier cette localisation.»
Analyse de balles et de douilles
Une des vidéos sur lesquelles ils ont travaillé est notamment celle de Kobaya en banlieue de Conakry. «C’est une vidéo qui a été authentifiée. Cela s’est passé à Kobaya le 21 octobre, trois personnes en uniforme, dont une tire à trois reprises en direction de civils présumés », explique le chercheur.
Leur travail d’analyse s’est aussi intéressé aux balles et aux douilles à Labe, en Moyenne-Guinée. «Ce qu’on a su assez rapidement d’une part, c’est que l’armée avait été déployée avant l’annonce officielle de la réquisition de l’armée par le ministre de l’Administration territoriale. On nous a transmis des photos et l’on a pu identifier des balles qui sont utilisées pour des armes de type AK-47 P-MAC, donc des modèles Kalachnikov, et ces modèles sont portés par les membres des forces de défense et de sécurité guinéennes, précise Fabien Offner.Il y a des photos et des vidéos qui l’ont prouvé.»
«Pas de policiers ou de gendarmes identifiés»
Damantang Albert Camara, ministre guinéen de la Sécurité publique et de la Protection civile, assure de son côté qu’il n’y aura pas d’impunité si des crimes ont été commis. Il demande à Amnesty International de transmettre les preuves que l’ONG affirme détenir afin que la justice puisse faire son travail : « Si quelqu’un a des images ou des indications précises sur quiconque en train de tirer sur des citoyens innocents, nous sommes preneurs de ces preuves-là pour faire avancer la justice,déclare le ministre joint parJeanne Richard. Il n’est pas question de transiger ou de protéger un quelconque assassin, qu’il soit civil, qu’il soit militaire ou policier ou gendarme. Mais simplement, nous agissons sur la base de procédures claires, des textes de loi, et surtout des preuves intangibles, tout le monde le sait. Les affaires sont systématiquement ouvertes. Maintenant, il n’y a pas eu de policiers ou de gendarmes identifiés par nos services en train de tirer.»
Faire avancer la vérité
Quant au chercheur Fabien Offner, il se dit inquiet pour la suite et espère que la communauté internationale se positionnera sur les faits signalés par l’ONG. «Amnesty International ne peut que regretter la faible visibilité de l’Union africaine et de la Cédéao[Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest]sur ce sujet. La reprise des manifestations annoncée par le FNDC est une nouvelle étape qui fait encore craindre potentiellement de nouveaux troubles, rappelle-t-il.Le pire est déjà là. Il faut que quelque chose soit fait.»
Avec RFI