Le président américain Joe Biden a confirmé ce mercredi le départ des troupes américaines d’ici le 11 septembre d’Afghanistan, et exhorté les talibans à tenir « leur engagement » à ne pas menacer les États-Unis.
« L’heure est venue de mettre fin à cette guerre sans fin ». Vingt ans après leur déploiement, Joe Biden a confirmé dans un discours solennel à la Maison Blanche le retrait définitif des troupes américaines d’Afghanistan. Soulignant être « le quatrième président américain à gérer la présence militaire américaine en Afghanistan », il a promis de ne pas transmettre « cette responsabilité à un cinquième », en jugeant vain d’attendre « de créer les conditions idéales pour un retrait ».
Les États-Unis vont entamer leur retrait le 1er mai. Mais ils « ne partiront pas de manière précipitée », a assuré Joe Biden. Comme son équipe l’avait annoncé la veille, Joe Biden a précisé que les troupes américaines et celles de l’Otan auront quitté l’Afghanistan « avant le 20e anniversaire de ces attentats odieux du 11-Septembre ».
« Objectif rempli »
Pour le président américain, les États-Unis ont rempli leur objectif. « Je pense que notre présence en Afghanistan doit être centrée sur la raison pour laquelle nous y sommes allés en premier lieu : s’assurer que l’Afghanistan ne serve pas de base pour attaquer à nouveau notre pays. C’est ce que nous avons fait. »
Joe Biden repousse ainsi de moins de cinq mois la date butoir du 1er mai, prévue pour ce retrait total dans l’accord historique conclu en février 2020 par son prédécesseur Donald Trump avec les talibans. Ce mercredi, le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid a d’ailleurs averti qu’une violation de l’accord engendrerait « sûrement des problèmes » dont ceux qui n’ont pas respecté le texte serait tenus pour « responsables ». La veille, les insurgés avaient prévenu qu’ils refuseraient, « tant que toutes les forces étrangères n’auront pas achevé leur retrait », de participer à la conférence sur la paix en Afghanistan que la Turquie, l’ONU et le Qatar doivent organiser du 24 avril au 4 mai à Istanbul.
« Nous tiendrons les talibans responsables de leur engagement à ne permettre à aucun terroriste de menacer les États-Unis ou leurs alliés depuis le sol afghan », a rétorqué le 46e président des États-Unis, en demandant au Pakistan, à la Chine, à la Russie, à l’Inde et à la Turquie de « soutenir » l’Afghanistan.
Washington promet une étroite collaboration avec l’Otan
Quelques heures plus tôt à Bruxelles, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a lui-même accordé la primeur de l’annonce aux 29 autres pays membres de l’Otan. Une courtoisie qui tranche avec les quatre années de présidence de Donald Trump où les membres de l’Alliance atlantique étaient souvent mis devant le fait accompli, observe notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet.
Alors que certains alliés, notamment européens, avaient exprimé leurs doutes sur l’opportunité d’un départ en 2021, les membres de l’Otan estiment avoir désormais la garantie d’une coordination transatlantique de leur stratégie militaire. « Je suis ici pour travailler en étroite collaboration avec nos alliés, selon le principe que nous avons établi depuis le début : y aller ensemble, s’adapter ensemble, et partir ensemble, leur a ainsi affirmé Antony Blinken. Nous allons travailler en étroite collaboration, dans les semaines et les mois à venir, à un retrait sûr, délibéré et coordonné de nos forces d’Afghanistan. »
Une déclaration que l’Alliance atlantique a confirmé ce mercredi soir dans un communiqué : « Les Alliés ont décidé que nous commencerons le retrait des forces de la mission « Resolute Support » d’ici le 1er mai. Ce retrait sera ordonné, coordonné et délibéré. Nous prévoyons que le retrait de toutes les forces américaines et de celles de la mission sera terminé dans quelques mois. »
Inquiétude dans la population afghane
Le président afghan Ashraf Ghani a dit « respecter » cette décision, dont il a discuté avec son homologue américain. Les forces de sécurité afghanes « sont pleinement capables de défendre leur peuple et leur pays, ce qu’elles font depuis le début », a-t-il déclaré dans un tweet après s’être entretenu par téléphone avec Joe Biden.
Mais au sein de la population afghane, ce retrait des troupes étrangères suscite de nombreuses inquiétudes, rapporte notre correspondante à Kaboul, Sonia Ghezali. Car après 20 ans de présence étrangère, la capitale et les principales villes du pays se sont transformées. On y trouve des cafés branchés mixtes où les étudiants et les jeunes engagés en politiques se retrouvent pour discuter.
Surtout, et même s’ils concernent surtout les zones urbaines, des progrès ont été réalisés sur le plan de l’éducation, de la liberté de la presse, ou encore de droits des femmes. Le taux d’alphabétisation des jeunes filles est désormais de 37% – contre 66% pour les garçons. Plus de 250 femmes siègent à la Cour suprême. Plus de 30% des sièges au Parlement leur sont réservés. Présentes sur la scène politiques, les femmes le sont aussi dans les médias. Une situation aux antipodes de celle que l’Afghanistan a connue sous le régime taliban, où les femmes ne pouvaient sortir de chez elles qu’accompagnées d’un homme de leur famille.
Qu’adviendra-t-il de toutes ces avancées si les talibans réintègrent la société afghane et la scène politique avec leur volonté d’imposer un modèle sociétale basée sur la loi islamique ? C’est la question que posent de nombreux militants de la société civile et de nombreux défenseurs du modèle démocratique en Afghanistan.
Vingt ans de conflit
Les États-Unis sont intervenus en Afghanistan le 7 octobre 2001, dans la foulée des attentats contre le World Trade Center et le Pentagone. L’objectif de l’opération « liberté immuable » lancée alors par le président George W. Bush est de détruire les sanctuaires de l’organisation islamiste al-Qaïda et renverser le régime des talibans qui refuse de livrer le Saoudien Oussama ben Laden, considéré comme le cerveau des attentats.
En quelques semaines, les troupes américaines entrent dans Kaboul. Le régime taliban en place depuis 1996 est renversé. Les contingents passent de 1 000 à soldats 10 000 l’année suivante. Au plus fort de leur présence en 2011, quelque 100 000 militaires américains sont présents sur le sol afghan.
En mai 2011, Oussama ben Laden est tué dans un raid des forces spéciales au Pakistan. L’insurrection talibane ne faiblit pas pour autant et malgré la fin des opérations de combat en 2014, la guerre s’enlise avec l’apparition du groupe jihadiste État islamique. Sous l’administration Trump, les annonces de retrait se succèdent. En février 2020, un accord historique est conclu à Doha avec les talibans, ouvrant la voie au retrait définitif des soldats américains.