La terre est la meilleure des richesses a-t-on coutume de dire. Pourtant, l’acquisition et l’exploitation de cette richesse ne sont plus chose aisée en Guinée, de nos jours, tant sont énormes les tracasseries et les surprises. Après un bref constat peu reluisant, il sera utile de lancer quelques pistes sur l’indispensable réforme foncière qu’il faudra entreprendre en Guinée.
Un constat alarmant
Il est courant de voir plusieurs personnes se réclamant propriétaires des fonds de terres, toutes munies de documents plus ou moins valides et souvent délivrés par les mêmes autorités et ayant les mêmes cédants ou leurs proches. De nos jours, la majeure partie des procès tant civils (reconnaissance de propriété, déguerpissement, etc.) que pénaux (stellionat,…) concerne le fait foncier et domanial ou présente une certaine connexité avec la question de propriété. Ce phénomène occasionne non seulement des troubles sociaux mais constitue un frein au développement en raison de l’insécurité juridique qu’il installe. Il y a ainsi un réel besoin d’une réforme foncière en Guinée tant au plan normatif qu’institutionnel.
Une réforme du cadre normatif
Le foncier et domanial, les questions de propriété et des domaines connexes en Guinée sont gouvernés principalement par le Code foncier et domanial et le Code civil. S’y ajoutent divers autres codes contenant des dispositions spécifiques comme le Code de l’eau, le Code minier, le Code de laprotection et de la mise en œuvre de l’environnement, le Codepastoral, le Code de la construction et de l’habitat,… Le Code foncier et domanial datant de 1992 mérite un toilettage pour consolider les acquis et intégrer les nouveaux aspects. Parmi les acquis, il y notamment l’existence de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique qu’il faudra traduire dans la réalité. Quant aux nouveaux aspects, il s’agirait de s’arrimer sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication en vue de la constitution d’un fichier centralisé et accessible du titre foncier et de ses mutations. Il y a aussi la nécessité de mettre l’accent sur la protection du territoire agricole par un zonage cohérent et conséquent, la protection du littoral et du domaine public maritime et la protection de l’environnement dans le cadre de l’exploitation minière, entre autres. Cette réforme serait incomplète si une résolution n’est pas apportée à la question de la propriété dite coutumière.
Une réforme institutionnelle
Le cadre normatif esquissé ci-dessus doit être supporté par des institutions modernes, accessibles et efficaces. Une grande réforme institutionnelle doit s’opérer au niveau des organes et instances en charge de l’établissement, de l’inscription et de la publicité en matière foncière et domaniale. Une bonne gestion en amont est nécessaire : les autorités locales en charge de délivrer les attestations de cession devraient être limitativement désignées et assermentées et les documents de cessions uniformisés, standardisés et informatisés. En aval, une conservation foncière et domaniale accessible tant en termes de proximité que de coût et également dotée de moyenssuffisants est aussi indispensable.
Pour finir, il est temps pour les autorités guinéennes de mettre en place une commission de réforme foncière et domaniale multisectorielle composée de tous les acteurs (Etat, Assemblée nationale, secteur judiciaire et sécuritaire, universités, autorités coutumières et religieuses, partenaires financiers, etc.) pour réfléchir sur l’avenir du foncier en Guinée; il y va de notre développement durable, harmonieux et sécuritaire.
–Juris Guineensis No 11.
Conakry, le 13 août 2021
Dr Thierno Souleymane BARRY,
Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour