Depuis 2017, avec la fourniture H24 de l’électricité dans le grand Conakry et progressivement dans les régions de la basse Guinée et certaines zones en moyenne Guinée, chaque deux (2) an nous faisons une analyse critique de la desserte en électricité avec des propositions concrètes.
Ingénieur de formation, Directeur Exécutif de l’ONG Afrique Energies Rationnelles (AFENER), suis proche du milieu de la gestion énergétique en Guinée par des séjours dans différentes centrales (Hydroélectriques et Thermiques) soit en stage ou en interaction avec d’autres acteurs du domaine, depuis plus d’une décennie.
Notre exercice consiste à aborder le sujet de la manière la plus simplifiée que possible, pour favoriser une meilleure compréhension des populations et des décideurs non spécialistes du domaine, à l’effet d’amortir les forces d’inertie et booster les bonnes volontéspour l’amélioration de la desserte en électricité.
Il serait important de noter, que certes notre pays est doté par la nature de 23 bassins versant d’une potentialité hydraulique évaluée à 6000 MW et d’une potentialité solaire considérable (radiation solaire moyenne égale à 4,8kWH/m2/jour) avec d’autres types de potentialités énergétiques non négligeables. Mais, le principe d’une desserte normale en électricité obéit à la combinaison régulière de trois (03) segments à savoir : (i) la Production, (ii) le transport et (iii) la distribution intégrant le volet commercialisation.
Régime d’Alpha Condé et l’énergie : Acquis – Faiblesseset Défis
Depuis l’indépendance de la Guinée, chacun des régimes qui se sont succédé aux commandes du pays, a tenté en sa manière de faire face aux problèmes d’amélioration de la desserte en électricité.
Mais, Il est d’une réalité tangible, qu’en dépit de plusieurs facteurs dégradant (forte pression des populations en lien avec la demande, les épidémies Ebola et Covid 19, la Corruption et des impairs administratifs), que le régime d’Alpha Condé s’est le plus investi pour faire face à cette demande de plus en plus élevée. Ce qui a permis, malgré les résultats en dessous de ses ambitions et des investissements, de passer de 235, 15 MW de puissance installée à sa prise de fonction, à plus de 1 000 MW comme capacité de production en électricité à la date du coup d’Etat du 05 septembre 2021. Selon une étude financée par la Banque Mondiale et effectuée par le Groupe Castalia, avec cette cadence engagée pour la desserte en électricité, la Guinée passait en 2014 d’un taux d’accès à’ l’électricité de 14% à un taux prévisionnel de 40% en 2020.
Ces efforts sur le segment de la production étaient essentiellement :
A cela, s’ajoute dans une vision à moyen et long terme, des projetsde construction de nouveaux barrages hydroélectriques (Amariyaà Boffa de 300MW, Koukoutamba et Fomi) qui étaient en vue au 05 septembre 2021.
En appui aux systèmes interconnectés à l’intérieur du pays, ce segment devait être renforcé par une politique d’interconnexion avec des pays voisins. C’est le cas de la coopération énergétique entre la Guinée et la Côte d’Ivoire qui a permis le lancement du programme d’électrification progressive de N’zérékoré au lendemain du Coup d’Etat par le CNRD. C’est également les projetsd’interconnexion comme celles de « Guinée – Mali » et de « Guinée – Sénégal ».
Parlant des deux (2) autres segments (le Transport et la Distribution), des actions ont été engagées à travers un processus de réhabilitation, de renforcement et de modernisation des moyens et des équipements de transport et de distribution. En complément à ces actions, selon nos informations, un programme d’amélioration de la gestion commerciale était initié.
Cependant, ces importants efforts n’étaient pas sans défis oufaiblesses, qu’on avait soulevées à l’époque avec des propositions, qui devaient être pris en compte progressivement, à savoir:
Toutefois, la poursuite des efforts sous Alpha Condé, en prenant en compte les faiblesses constatées, auraient permis au pays, detourner dos progressivement aux problèmes d’électricité au lieu de reculer et même développer des dynamiques de coopération énergique et agricole avec des pays de la sous-région.
Le CNRD et l’électricité : Accident ou recul indu pour la Guinée?
En réalité au-delà du populisme et l’illusion, aucun esprit averti ne pouvait s’attendre à ce qu’un régime issu de coup d’Etat dans le contexte Guinéen, puisse apporter quelque chose de nouveau en termes d’investissement important dans l’amélioration de la desserte en électricité. Toutefois, pour des Hommes de transition avertis et conséquents, on aurait pensé au maintien et la redynamisation substantielle des efforts en cours, perçus par les Guinéens comme des acquis indéniables et qui produisaient les effets positifs sur leur quotidien social, professionnel, administratif et économique. C’est le cas par exemple, de la dynamique engagée après le coup d’Etat pour la réhabilitation de certaines centrales, comme le curage du barrage Tinkisso (1,65MW) de Dabola qui, en interconnexion avec la centrale thermique de Faranah (1,4 MW), alimente les villes de Dabola, Faranah et Dinguiraye, ainsi que la CR de Bissikirima.
Très malheureusement, cette initiative qui s’est arrêté juste après la joie éphémère des populations de Dabola, comme d’ailleurs tant d’autres sous le CNRD, était beaucoup plus une forme de distraction, avec des marchés passés dans l’opacité au nom de l’urgence. Rappelons, que depuis plusieurs années, les robinets de la SEG à Dabola crachent de la boue au compte de l’eau potable, qui ne peut même pas être utilisée pour la lessive.
Maintenant comment sommes-nous arrivés à cette situation de dégradation inimaginable de la desserte en électricité dans le pays, notamment à Conakry avec la gestion sous le CNRD?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord interroger le mode opératoire du CNRD du point de vu gestion des ressources et de la compréhension de la notion de biens de l’Etat, ainsi que de la continuité de l’Administration.
Ces différents facteurs qui sont à la base aujourd’hui de la précarité indescriptible des conditions de vie des Guinéens, ont entrainé la dégradation incongrue de la desserte en électricité par :
Pour finir, il faut être formel, en rappelant que même si l’incendie du Dépôt des hydrocarbures de Kaloum, dont les origines relèvent encore de l’omerta, a impacté l’ensemble des secteurs de la vie nationale à une certaine proportion, mais sans ce drame, cettedégradation non maitrisée de la desserte en électricité était inévitable dans une certaine mesure avec cette gestion de la transition.
Les pistes de solution pour une maîtrise progressive de la problématique :
Enfin, il serait responsable de se décomplexer et s’inscrire de façon objective et assumée dans une logique d’évaluation et deviabilisation des acquis et perspectives d’avant coup d’Etat du 05 septembre 2021.
Abdoul Sacko, Ingénieur Electrotechnicien de Formation
Acteur de la Société civile, Directeur Exécutif de l’ONG AFENER & Coordinateur du Réseau CoJeLPaiD
Consultant en Gouvernance et Conflits