Ce matin dans une une déclaration rendue public, le Parti Guinéen de la Renaissance PGR, a donné sa position sur le projet de la nouvelle constitution en Guinée, en marge d’une conférence de presse qui avait pour thème :
« Problématique de l’amendement, de la révision constitutionnelle ou de l’adoption d’une nouvelle constitution en lieu et place de la constitution du 7 mai 2010, au cœur de l’obligation citoyenne »
Discours du président du parti Ibrahima Sory Condé
« La République de Guinée doit se doter d’une nouvelle Constitution, soumise au peuple par voie de référendum ce, conformément aux dispositions combinées des articles 2, 6, 22, 84, 85 et 152 de la Constitution » !!!
Depuis un certain temps, le débat politique se focalise sur un supposé éventuel 3ème mandat du Président Alpha CONDE, à la Magistrature suprême de l’Etat.
Les partisans de l’amendement ou de la révision constitutionnelle de la Constitution du 7 Mai 2010, ont pour argument qu’elle a été faite par un organe transitoire et surtout par un régime d’exception issu d’un coup d’Etat militaire d’une part, et de l’autre, les opposants à toute révision ou amendement constitutionnel soutiennent mordicus le principe d’intangibilité en référence aux dispositions combinées des articles 27 et 154 de la Constitution.
Ce faisant, il convient de rappeler que les dispositions des articles 27 et 154 de la Constitution disposent respectivement :
Article 27 : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct.
La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois.
En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non ».
Pour plus de précision, la durée du mandat du Président de la République peut être fixée à sept (7) ans dans la nouvelle Constitution, renouvelable une seule fois en lieu et place de cinq (5) ans de la Constitution du 7 mai 2010.
Ce qui ne viole en rien la Constitution du 7 mai 2010, et le changement de la durée du mandat du Président de la République ne viole aucunement les dispositions combinées des articles 27 et 154 de la Constitution du 7 mai 2010.
Article 154 : « La forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’Etat, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du Président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision ».
En effet, cet article 154 n’interdit aucunement l’amendement de la forme républicaine de l’Etat, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, du pluralisme politique et syndical et puis de la durée et le nombre de mandat, parce que, l’amendement est prévu à l’article 85 de la Constitution du 7 Mai 2010.
Partant de là, il est nécessaire et indispensable de faire la différence entre ces deux concepts de la révision constitutionnelle et de l’amendement constitutionnel.
Un amendement constitutionnel (loi) est une modification, soumise au vote d’une assemblée, en vue de corriger, compléter ou annuler tout ou une partie d’un projet ou d’une proposition de la loi en cours de délibération ou d’une loi préexistante. En général, le droit d’amendement, c’est-à-dire le droit de proposer des modifications au texte soumis au vote, est réservé aux membres de l’Assemblée concernée et éventuellement au gouvernement.
Juridiquement parlant, il peut également s’agir d’une modification que l’on souhaite apporter à un contrat. Il sera alors opportun d’indiquer, à même l’amendement, que celui-ci fera partie intégrante et/ou sera ajouté en annexe au contrat initial que l’on entend ainsi modifier.
Révision constitutionnelle :
Action d’examiner de nouveau, de mettre à jour, de modifier, autrement dit, c’est l’action d’étudier de nouveau un sujet, un programme en vue d’un examen.
En toute franchise, et au-delà de toute analyse simpliste et surtout de la lecture diagonale de la présente Constitution, par les partisans et des adversaires, relative à toutes initiatives allant dans le sens de la révision ou de l’amendement de la Constitution du 7 Mai 2010, adopté par le CNT et promulgué par le Président de la République par intérim de la junte militaire, président de transition, est-il possible aujourd’hui d’envisager un quelconque amendement ou une quelconque révision de ladite Constitution ?
Cependant, il est important de se poser la question de savoir, est-ce une Constitution issue d’un régime d’exception, peut-elle interdire toute tentative de la modification et d’imposer le principe d’intangibilité de certains articles de ladite Constitution ?
Pour mieux cerner ces interrogations pertinentes, il est indispensable de faire l’état des lieux des pays, qui ont fait plusieurs amendements et plusieurs révisions constitutionnelles dans leur pays, notamment les Etats Unis d’Amérique et la France pour ne citer que ceux-ci.
La Constitution de1787 des Etats-Unis a été amendée (modifiée) à travers le Congrès Américain vingt-sept (27) fois. Le premier amendement a eu lieu le 15 Décembre 1791 et le 27ème amendement a été fait le 7 Mai 1992.
Quant à la Constitution de la 5ème République française de 1958, elle a été révisée (modifiée) vingt-quatre (24) fois et amendée plusieurs fois.
C’est pour autant dire que nul ne peut s’opposer à ce que la Constitution actuelle guinéenne soit révisée ou amendée à la demande du Président de la République. Les Députés de l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre Chef du Gouvernement ou un des Ministres peuvent faire respectivement une proposition de loi ou un projet de loi au terme des dispositions combinées des articles 84, 85, et 152 de la Constitution.
En réalité, un régime d’exception issu d’un Coup d’Etat militaire anti démocratique, anti constitutionnel, illégal et dépourvu de tout fondement juridique, ne peut ou ne doit pour quelque motif que ce soit créer et mettre dans une Constitution le caractère intangible de certaines dispositions constitutionnelles, notamment les articles 27 et 154 de la présente constitution relative à la forme républicaine de l’Etat, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’Etat, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du Président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision d’une part, et de l’autre, faire croire à l’opinion nationale et internationale que les deux (02) dispositions ne doivent pas être modifiées par un régime légalement constitué, avec un Président de la République élu démocratiquement et d’une Assemblée Nationale élue par suffrage universel, direct, égal et secret, conformément à l’article 2 alinéa 3 de la Constitution.
S’agissant de la durée et du nombre de mandat du Président de la République, il convient de rappeler que le mandat du Président de la République Française au début n’était pas limité et par contre celui de la 5ème République jusqu’à la fin du mandat du Président Mitterrand, était de sept (07) ans renouvelable une (01) fois.
Dès la venue du Président Chirac au pouvoir en France, le mandat de sept (07) ans a été ramené par les députés de l’Assemblée Nationale française à cinq (05) ans renouvelable une (01) fois.
Pourquoi, la classe politique française d’alors, de toute obédience confondue et les acteurs de la société civile n’ont invoqué au gouvernement en place et au Président de la République l’intangibilité de la durée du mandat du Président de la République Française ?
Dans le même ordre d’idée, la forme républicaine de l’Etat peut faire l’objet de révision ou d’amendement à condition qu’elle soit soumise au peuple par voie de référendum d’une part et de l’autre qu’elle soit adoptée par les deux tiers (2/3) des membres de l’Assemblée Nationale.
A titre d’exemple, la Haute Volta est devenue Burkina Faso, la Rhodésie est devenue Zimbabwe et le Congo Zaïre est devenue République Démocratique de Congo, pour ne peut citer que ces exemples parmi tant d’autres. Ce qui justifie à raison que la forme républicaine de l’Etat peut bien faire l’objet d’amendement ou de révision constitutionnelle.
Il est évident de se demander, pourquoi c’est maintenant que les militants et sympathisants du Parti au pouvoir demandent la révision constitutionnelle qu’au cours du second et dernier mandat ?
En réponse à cette question pertinente, la Constitution du 7 Mai 2010 adoptée par le Conseil National de la Transition (CNT) et publiée dans le journal officiel de République, conformément aux dispositions des articles 1 à 3 du Code civil guinéen, ne prévoit aucune période précise pour la révision ou l’amendement constitutionnel.
L’opportunité d’une telle initiative revient de droit au président de la République et aux députés de l’Assemblée Nationale, conformément à l’article 84 de la constitution.
Par ailleurs, d’aucuns font allusion aux accords de Ouagadougou (Burkina Faso) qui prévoyaient le référendum de la présente Constitution six (06) mois après les élections du Président de la République. , conformément à l’article 2 alinéa 1 de la Constitution.
Très malheureusement, les partisans des accords de Ouagadougou (Burkina Faso), ignorent le Titre XVII de la constitution du 7 Mai 2010 à son article 149 alinéa 1 relatif aux traités et accords internationaux qui dispose : « Le Président de la République négocie et ratifie les engagements internationaux » ;
De ce point de vue, il reste entendu que les accords de Ouagadougou (Burkina Faso), n’ont été ni négociés et ni ratifiés par un Président de la République en exercice au moment des faits parce que, à l’époque on était sous un régime d’exception dans lequel, la Constitution était suspendue, et on aspirait simplement une sortie de crise à date.
Dès lors, ces accords de Ouagadougou (Burkina Faso) sont inopérants, parce qu’en violation des dispositions combinées des articles 149 et 151 de la Constitution.
Bien entendu, l’article 151 de la Constitution du 7 Mai 2010 dispose que : « Les traités ou accords régulièrement approuvés ou ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de réciprocité ».
Autrement dit, ces accords n’ont jamais été ni approuvés et ni ratifiés, par un Président de la République et ne peuvent être opposables aujourd’hui à un quelconque amendement, révision ou initiative d’une nouvelle constitution.
Cependant, et ce, conformément aux dispositions de l’article 7 de la Constitution du 7 Mai 2010, le prétendu Front National pour la Défense de la Constitution suscité, composé de l’UFDG, l’UFR, PEDN, PADES, PCUD, Balai Citoyen, l’OGDH, COSATREG et du prétendu collectif des anciens membres du Conseil National de la Transition (CNT), doivent obligatoirement se conformer à l’article 7 suscité, au cas échéant, ils se feront disqualifiés par leur manque d’esprit républicain et patriotique.
Les membres du Front National pour la Défense de la Constitution soutiennent à tort que : « quiconque parle de révision constitutionnelle de la constitution du 7 mai 2010 doit faire l’objet de poursuite judiciaire devant la Cour Pénale Internationale (CPI) d’une part et d’autre part, fera l’objet d’une opposition sans pitié du front…. ». La transmission d’une prétendue de promoteurs de révision ou d’amendement constitutionnel ou d’une nouvelle constitution à la cour pénale internationale(CPI), c’est se méprendre et mal connaitre le mandat dévolu à cette institution onusienne.
Alors, peut-on faire confiance à un tel front à esprit antirépublicain et antidémocratique qui prône et encourage la violence et qui agit en violation de l’article 7 de cette même Constitution qu’il prétend défendre ?
Or, l’article 7 alinéas 1 et 2 de la Constitution dispose : « Chacun est libre de croire, de penser et de professer sa foi religieuse, ses opinions politiques et philosophiques.
Il est libre d’exprimer, de manifester et de diffuser ses idées et opinions par la parole, l’écrit et l’image… ».
Ceci justifie en toute raison que ce groupement d’associations illégales et de contre nature, est une menace sérieuse pour la démocratie, le respect de l’autorité de l’Etat, de l’Etat de droit, de la pluralité d’opinions, de la paix, de la cohésion nationale et de la justice sociale, sans lesquelles aucun développement n’est envisageable à plus forte raison possible.
Pour ce faire, on doit obligatoirement se demander, est-ce que la Constitution du 7 Mai 2010 est-elle révisable ? Et quelle est la base légale de ladite révision constitutionnelle ?
En toute franchise, et en dehors de toute analyse simpliste, partisane, d’interprétation démagogique ou de personne, il faut avoir le courage et l’honnêteté intellectuelle d’affirmer haut et fort que c’est sur la base de la Constitution du 7 Mai 2010 que le Président Alpha CONDE a été élu à la magistrature suprême du pays, au suffrage universel direct.
C’est avec cette Constitution que les députés de l’Assemblée Nationale Guinéenne ont été élus, et les élections des Communes Urbaines et Rurales ont été organisées par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
A ce titre, il est inconcevable d’affirmer que cette Constitution est mauvaise parce que elle n’a pas été soumise au peuple par référendum, ce, conformément aux dispositions de l’article 2 de la Constitution, cependant elle connait des faiblesses, d’insuffisances, de contre vérité et de controverses qui méritent donc notre réflexion et notre positionnement face à cette problématique de la nouvelle constitution.
Mais, il faut avoir plutôt le même courage et la même honnêteté intellectuelle de reconnaitre que cette Constitution contient d’énormes insuffisances et d’anomalies qui font qu’elle doit être obligatoirement révisée conformément aux dispositions de l’article 84 et suivants de la Constitution.
Affaire à suivre dans le prochain numéro!!!
Que Dieu, le Tout Puissant bénisse et protège la Guinée, AMEN !
Conakry le 20 Juin 2019
Le Bureau Politique National