Qualifiée de scandale géologique, la Guinée tarde à amorcer un véritable développement économique, à travers l’exploitation de ses mines. En dépit d’un environnement favorable aux affaires et l’adoption d’un nouveau code minier, le pays continue de subir les manifestations des populations riveraines, préoccupées par ‘’une meilleure prise en compte’’ de leurs besoins.
Pendant plusieurs années, le pays a cru en son développement grâce aux dividendes générés par les revenus miniers, provenant de la Compagnie des Bauxites de Guinée (CBG) avant l’arrivée d’autres multinationales, parmi lesquelles Rio Tinto, qui, dit-on, n’a pas comblé les espoirs places en lui.
Les exigences en matière d’exploitation de ses richesses ont toujours été au centre de débats et de confrontations entre l’Etat, les Organisations non gouvernementales (ONG) évoluant dans ce domaine, ainsi que les communautés riveraines. Mais, les solutions acceptables de tous tardent à voir le jour.
Le ministre des Mines et de la Géologie, Abdoulaye Magassouba, a assuré que le secteur minier reste et demeure le principal pourvoyeur de l’économie nationale. Il a indique qu’au cours de la dernière décennie, les populations des contrées impactées par l’exploitation minière ont des exigences de plus en plus grandes (…).
En dépit d’une conjoncture internationale défavorable, les sociétés minières et les investisseurs exigent eux aussi plus de rentabilité, plus de garantie, plus de stabilité pour une activité à haute intensité capitalistique.
Pour sa part, le gouvernement souhaite également la création de beaucoup plus de richesses et d’emplois en vue de donner un coup de fouet au développement économique et social intégral de la nation.
Renforcer la gouvernance et la transparence…
Ainsi, la Guinée a adhéré en avril 2005 à l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE). L’objectif est de renforcer la gouvernance en apportant une visibilité sur l’ensemble des paiements significatifs versés au gouvernement par les entreprises minières.
Dix ans après son adhésion, le rapport de l’ITIE révèle que la Guinée a collecté près de 2. 202 milliards de francs guinéens auprès du secteur minier. Ce rapport indique également que ce montant représente plus de 24% des revenus totaux de l’État, selon le niveau de revenus présenté dans le Tableau des opérations financières de l’Etat (TOFE) de la Guinée pour l’année 2015. Et dans le rapport de 2016, publié en mai dernier, le revenu généré par le secteur extractif totalise un montant de 3.309 milliards de francs guinéens.
S’exprimant sur la question, le directeur exécutif de l’ONG Action Mine, M. Amadou Bah, précise que le secteur des mines a assez d’impact sur le développement de la Guinée, aussi bien sur la formation que sur le renforcement de capacité des ressources humaines (…)
«En plus d’être plus le grand contributeur a l’économie nationale, le secteur minier contribue aussi au développement des collectivités à travers les taxes superficielles et autres redevances qui sont périodiquement versées aux collectivités, notamment dans le cadre des infrastructures d’intérêts communautaires à travers la construction des centres de santé, des écoles, des mosquées et des routes », a-t-il ajouté.
Selon M. Bah, au-delà des chiffres d’affaires provenant des compagnies bauxitiques et de celles évoluant dans le diamant et l’or, plusieurs milliards de francs guinéens sont versés chaque année à la communauté. « Rien que pour la Société Anglo Gold (SAG) à Siguiri, à plus de 800 kilomètres de la capitale, une enveloppe de 18 milliards de franc guinéen est débloquée chaque année pour la construction des infrastructures », a-t-il précisé, affirmant en revanche que l’utilisation de ces fonds miniers est confrontée à un problème de gouvernance qui suscite parfois des mécontentements au sein des communautés.
Pour sa part, Pascal Tenguiano, coordinateur des programmes au Centre d’étude et de commerce international pour le développement (CECID), ces fonds ne peuvent produire aucun impact sur le développement et l’amélioration des conditions de vie des communautés si leurs gestions restent inefficaces. « La contribution du secteur minier n’est pas optimale en Guinée. Car la gestion efficace, tant au niveau des collectivités qu’a celui de l’Etat, pose un véritable problème de gouvernance. Il y a assez de déperditions et de détournements de fonds qui échappent aux services de contrôle étatique qui sont quasiment inexistants », a-t-il martelé.
« Les différentes manifestations constatées au niveau des localité riveraines et la cacophonie dans la gestion des redevances minières notamment à Kindia, Boké et Siguiri sont des preuves évidentes qui démontrent que les communautés ne jouissent pas des fonds qui sont destinés à l’amélioration de leurs conditions de vie », a renchérie Abdoul Sacko, président du conseil régional des organisation de la société civile de Conakry avant de précisé que la situation à Kindia et Boké sont leur d’être résolue en terme d’atteinte des communautés face aux revenus miniers.
Par ailleurs, le rapport final pour le ministère des Mines et de la Géologie avec le soutien du Groupe de la Banque Mondiale, indique que la Guinée possède d’importantes réserves de ressources naturelles, tels que la bauxite, l’or, les diamants et le fer.
Le secteur minier représente plus de 25% du Produit intérieur brut (PIB) du pays et 70% des revenus d’exportation. Mais malgré les importantes ressources minières, ce rapport indique que les PME (Petites et moyennes entreprises) tardent à optimiser leur participation au profit des projets miniers, et font face à des contraintes obérant leur développement.
Elles sont principalement liées, entre autres, à un faible accès au financement, une main-d’œuvre peu qualifiée, une connaissance partielle des règles de gestion d’une entreprise, de standards et des processus de qualité limités, un manque d’accès à l’information sur les opportunités d’affaires, une bureaucratie administrative, la corruption, la mauvaise qualité des infrastructures de transport et le manque d’énergie.
L’éternel conflit autour des redevances minières à Kindia
Située à 120 kilomètres de Conakry, Kindia est l’une des régions affectée par l’exploitation minière de la CBK (Compagnie de bauxite de Kindia). Dans cette localité, la gestion de la redevance minière versée par cette compagnie chaque année, est toujours objet de conflit entre les collectivités urbaines, rurales et le ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation.
En 2017, la CBK a versé aux communautés, la somme de 345 mille dollar. Mais la clé de répartition de cette manne financière qui est destinée à améliorer les conditions de vie de communautés riveraines, notamment de Mambya et Friguiyagbé, est souvent décidée par la commune urbaine de Kindia et le ministère. Une situation ne permet pas la mise en œuvre des projets de développement communautaire au niveau de ces localités.
Malgré les multiple reformes et mesure entreprises par le gouvernement avec l’appui des partenaires techniques et financier, la lutte contre la corruption et le détournement des fonds miniers est loin d’atteindre son épilogue. Toute chose qui suscite des remous et colère au niveau des communautés riveraines au grand dam de ces sociétés minière.
Ismaël Diallo