TRIBUNE- La résignation des guinéens n’est pas une souscription au changement de la constitution, mais un rejet de l’actuelle classe politique toute entière !

La résignation des guinéens n’est pas une souscription au changement de la constitution, mais un rejet de l’actuelle classe politique toute entière

A l’idée de savoir qu’aucune alternative crédible ne s’offre avec la classe politique actuelle, les guinéens se sont résignés dans leur majorité à royalement se moquer de ce qui se passe et ce n’est pas parce qu’ils méprisent leur pays. Ils sont simplement désœuvrés et lassés de leur élite politique.

L’insolent faible taux de participation aux élections communales et locales a laissé apparaître les premières fumées suspectes du rejet de l’actuelle classe politique. Les médias ne l’ont pas assez suffisamment martelé. Pourtant, cette réalité crevait les yeux, beaucoup plus que le désordre qui a caractérisé ces élections.

Un piège minutieusement tendu par Alpha Condé ?

Le jeu politique tel qu’il se tient aujourd’hui n’a-t-il pas été préparé avec soin, point par point, par le président Alpha Condé ?

Pour rappel, Le FNDC a été amoché par le pouvoir et affaibli dans sa lutte, le jour même où le président de la République a fait un discours sur la nouvelle constitution, sans qu’il n’y ait aucune réaction populaire dans les heures qui ont immédiatement suivi. Pourtant le front dit défendre les droits d’un peuple plus que jamais, vraisemblablement résigné. C’était fait à dessein après que plusieurs ressources aient été précédemment mobilisées. Je m’en vais citer quelques-unes.

Le président de la République a tout fait pour conserver son duel bientôt décennal, avec Cellou Dalein Diallo. Son meilleur opposant, qu’il a entretenu et tant chéri. Qu’il est aussi capable de dribbler même en dormant. Celui-ci a eu presque 10 ans pour rassurer les guinéens dans leur diversité, a-t-il pu y parvenir ? Ce n’est pas moi qui répondrai à cette question. La réalité est ce qu’elle est.

Politiquement, le président de l’UFDG est tombé dans le piège du briscard Alpha Condé. Le président a joué la carte de l’ethnie pour pousser son bien-aimé opposant à faire pareil, donc, à s’autoflageller. C’est Dalein qui cherche le pouvoir, c’est à lui de rassurer la communauté nationale, c’est lui qui a intérêt à unir les guinéens. Le président a tout fait pour confiner la lutte anti nouvelle constitution dans presqu’une seule zone de la capitale. Ses opposants, sous pression et souvent sous émotion, ont mis une grande partie de leurs militants dans la posture de ne pas convaincre, mais tomber à bras raccourci sur toute personne qui ferait émerger une idée contradictoire. Ces représailles se font et sur les ondes et sur les réseaux sociaux.

Le FNDC de mon regard d’observateur, est tombé dans le même jeu. En voulant exiger que le patriotisme des guinéens se fasse mesurer à l’aune de leur appartenance ou non à sa plateforme. Pourtant son idéal affiché et le combat en faveur d’une alternance démocratique sont nobles et exempts de reproches objectifs. Pour une fois, tout patriote et toute personne lucide voudrait voir, une alternance se produire au sommet de l’État, sans violence ni effusion de sang. Mais comment y arriver ? La question reste pendante.

Ce que les opposants auraient pu faire

À la place des menaces, de la surenchère, de l’escalade de la violence physique et verbale, du rejet systématique de ceux qui attendaient d’être rassurés de la sincérité de leur combat, ou de ceux qui sont opposés à eux, les frondeurs frontistes auraient dû passer par la pédagogie à l’interne et le lobbying à l’international depuis 2015. Ils devaient être prêts à l’éventualité d’un changement constitutionnel depuis la réélection d’Alpha Condé. Cette bataille aurait aussi pu être institutionnelle. Elle aurait pu se tenir à l’intérieur de l’assemblée nationale. L’opposition aurait dû ne pas jouer la politique de la chaise vide au perchoir, sachant qu’elle fait face à un pouvoir sans frein, que même un retrait de l’institution parlementaire n’influencerait pas. Mais son sommeil fut long et son réveil tardif. Malheureusement, tout porte à croire qu’il n’y a ni stratégie préconçue, ni sincérité entre les contestataires du régime de Conakry. Ils n’ont cessé de le prouver depuis le début du règne d’Alpha Condé. Le silence de Lansana Kouyaté et les interventions de plus en plus sporadiques de Sidya Touré, me laissent, personnellement, stupéfait. Les divorces et remariages au sein de l’opposition plurielle, ont prouvé qu’ils ne s’allient que par circonstance, souvent lorsque les intérêts communs sont affectés. Les guinéens observent tout ça, ils ne sont pas aveugles et ça, ça ne les rassure pas.

Pendant que les acteurs politiques de l’opposition s’occupaient d’autres détails souvent déclenchés par le pouvoir (les luttes pour le respect des accords, le renouvellement de la CENI, etc.), le rouleau compresseur d’Alpha Condé tournait à plein régime. Il leur tendait des guet-apens ça et là. Le cas de Kaporo Rail et les violences policières, qui ont tout l’air d’être dans une zone bien ciblées, n’ont été que des boutons que le pouvoir a activés, pour pousser l’opposition à commettre l’erreur fatale : ethniciser le débat politique, les exactions notamment.

Même si c’était à raison, stratégiquement, l’opposition aurait dû s’en méfier. Laisser les ONG nationales et internationales de défense des droits humains prendre le devant. L’OGDH, la RADHO, Human Right Watch et Amnesty International entre autres, auraient pu mieux agir. Puisque la société civile guinéenne a montré ses limites. Elle n’est plus, ni crédible, ni moins neutre. Cette démarche aurait permis d’éviter une ethnicisation des cas de mort, bien vrai que les tués sont généralement issus d’une même région. Cette démarche aurait pu avoir pour effet de rassurer les autres guinéens, pour réussir les éventuels combats. Les autres communautés ont le droit d’avoir peur d’une quelconque vengeance.  Cette frayeur s’est renforcée par les discours tenus publiquement sur les réseaux sociaux par certains militants et des hauts responsables de l’opposition. La lutte pour qu’elle se nationalise, avait à tout prix, besoin d’éviter qu’elle se communautarise.

L’irréparable commis ?

Politiquement, la fibre ethnique ne devait jamais apparaître dans la stratégie de communication utilisée par les opposants, ce fut la précieuse clé que le pouvoir recherchait et qui lui a rte gracieusement offerte. Politiques, intellectuels et artistes sont tombés dans ce piège. A mon avis, c’est à partir de là que tout est parti en fumée. C’est à partir de là que, le camp d’en face à pris un véritable élan et a mis de côté, toute hésitation à aller vers ce projet de référendum.

À date, psychologiquement, les opposants sont affaiblis, c’est une réalité. Les marches n’ont jamais été interdites, seuls les itinéraires modifiés. Pourquoi y avoir renoncé et demander simplement à leurs partisans de manifester d’où ils sont, eux restant confinés par moins de deux pick-ups de gendarmerie chez eux. Leurs nombreuses sorties médiatiques ratées et les réactions épidermiques vis-à-vis des médias révèlent un aveu d’échec. Les « sit-ins » et/ou l’occupation permanente d’espaces stratégiques de la ville par les opposants pouvaient constituer, les dernières cartes à jouer. L’attitude plutôt nonchalante ces derniers jours de plusieurs frondeurs sur les réseaux sociaux, alors qu’ils étaient très actifs et virulents, renvoie des signaux pas très rassurants et donnent l’impression que le combat est entrain de foirer.

C’est finalement un hashtag que l’on a vu apparaître sur les réseaux sociaux, ces jours-ci.  #QuiconqueVote vient donc s’ajouter aux nombreuses manifestations monstres et résistances actives qui n’ont pour l’heure pas fait fléchir le pouvoir. A une semaine du double scrutin, quelle carte reste-t-il aux opposants pour arrêter cette machine ?

Un troisième mandat pour Alpha Condé, serait la liquidation de plus d’un demi siècle de lutte pour la liberté et la démocratie, généralement portée avec courage, par la jeunesse martyre de Guinée. Ce serait aussi un échec pour la classe politique actuelle constituant l’opposition. Une question se posent: N’y a t-il pas besoin de laisser un nouveau leadership émerger au sein de la classe politique actuelle. Acceptons la diversité d’opinion et méditons ensemble !

 

Par Moussa Daraba

 

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