GUINEE- Abdoul Sacko prévient Alpha Condé pour ses six prochains années

 

« C’est un mandat de tous les risques et de tous les défis »

Dans cet entretien accordé à notre rédaction, le coordinateur de la Convergence des Jeunes Leaders pour la Paix et la Démocratie (COJELPAID) se réjouit de la normalisation des coordinations régionales. Abdoul Sackopense que le dialogue est l’unique solution pour sortir de l’ornière. Il a également laissé entendre que le troisième mandat d’Alpha Condé, reste « un mandat de tous les risques et de tous les défis ». 

L’Indépendant : Les députés Guinéens ont adopté une résolution contre les coordinations régionales. Quelle est votre réaction ? 

Abdoul Sacko : Je vous souhaite mes vœux les meilleurs, mais aussi à vos lecteurs. On a appris cela avec satisfaction et réjouissance. Nous avons fait le monitoring des facteurs de risques de conflit à la fois politique que le contentieux électoral. Parmi les facteurs de risques que nous avons, pour les uns c’était le fait que nos coordinations des sages ont tendance à être beaucoup plus expérimentés qu’ils sont. (…) Donc, nous avons salué après avoir constaté cela comme un facteur à risque, nous avons fait des recommandations. Ce que nous avons recommandé, nous avons besoin aujourd’hui de la génération future, deconnaître quelles sont les valeurs culturelles, quelle est l’histoire de notre pays. En ce sens de voir qui peut aider à ce que la culture, la promotion de ces valeurs coutumières, culturelles soient mises en contribution pour renforcer la paix et la démocratie dans la diversité. Donc, nous avons sollicité qu’il ait une loi qui va non seulement aller dans le sens de l’encadrement c’est-à-dire définir les limites de ces coordinations et de ses pouvoirs coutumiers vis-à-vis de l’espace politique, mais aussi une loi qui résume le fonctionnement. Ce que l’Etat peut faire en terme d’action à ses pouvoirs importants à ces autorités morales qui ont leur place dans notre société afin qu’ils puissent fonctionner indépendamment de la politique.

Croyez-vous que les coordinations vont obéir à cela ?

Au fait, dans un Etat de droit chacun agit en fonction de sa raison d’être. Dans un Etat de droit chacun a son langage contrairement à son statut. Donc, ce qui veut dire rien ne limitait l’intervention de ces autorités morales dans le temps. Donc, on ne peut pas quand même leur reprocher dans ce sens-là, s’ils avaient glissé dans le champ politique ou peut-être s’ils avaient leur opinion dans l’espace politique. Mais à un moment donné, les coordinations à gauche et à droite nous avions l’impression comme si c’était une forme d’instance politique de sages de partis politiques. C’est-à-dire c’est comme on a quelque part au bureau national des sages de partis politiques de x ou y. Mais de toute évidence, il n’y avait pas une loi quand même qui disait voilà quelle est la place de ces autorités morales dans le fonctionnement de notre démocratie, dans le fonctionnement de notre société. Mais s’il y a une loi qui est prise allant dans ce sens et personne n’est au-dessus de la loi. Ceux qui sont à l’Assemblée nationale, les parlementaires n’ont pas besoin d’une recommandation du président de la République pour dire il faut arrêter de demander l’avis de ces coordinations par rapport à la nomination dans les bureaux politiques. Moi je pense que l’Assemblée doit être une innovation. Elle doit se considérer comme un pouvoir, au même titre que le président de la République. L’Assemblée ne fait pas que cela. Il appartient aux autres de faire les plaidoyers. L’Assemblée a deux dimensions essentielles ; soit elle initie ou elle vote les lois ou elle contrôle l’action du gouvernement. Ce n’est pas sous forme de plaidoyer ou de recommandation. Ils prennent des lois qui définissent les limites de ces coordinations et leur fonctionnement. Donc il faut mettre à l’esprit que le président lui-même y compris sera obligé d’être derrière cette loi. Il faut que l’Assemblée mette cela dans ses collaborations avec le président de la République avec le judiciaire. Donc, une fois encore si une loi est prise, je pense que personne n’est au-dessus de la loi. Je vois mal les coordinations régionales refusées d’obéir.

L’année 2020 a été particulière sur tous les plans. Quelles leçons pouvez-vous en tirer ?

La première leçon à tirer, le monde entier y compris la Guinée a été sévèrement frappé par cette pandémie du Coronavirus, que nous souhaitons vivement être hors de nos murs. Cette pandémie a affecté notre société sur l’aspect économique, social, politique sans compter l’aspect sanitaire. Donc, nos vœux,que cette pandémie soit hors des frontières dans le monde. Alors pour le cas spécifique de la Guinée je crois qu’il est inutile de dire que les scrutins législatif-référendaire et la présidentielle qui ont été organisés, la Guinée a connu une situation particulière pour l’année 2020.

En termes de violations de droit de l’Homme, des pertes en vies humaines. Et lorsque les gens perdent leurs vies, on ne sait pas qui a fait quoi, on ne sait pas qui est l’auteur de la perte de vie de leurs proches, enfants, imaginez combien de fois ça fait mal. Si c’est une mort naturelle on peut comprendre. Mais si c’est une personne qui est à la base de la mort de ton proche est que tu ne parviens pas à savoir qui est l’auteur pour qu’il subisse la rigueur de la loi, c’est difficile.

L’année 2020 ce qui est déplorable, nous avons connu une situation de pauvreté aggravée et aussi une certaine dimension que la corruption a pris dans le pays. Nous avons vu en 2019 un certain courage en tout cas un début d’espoir qui est la lutte contre la corruption entamée par le Premier ministre. Mais en 2020 c’est totalement épuré, et la corruption est partie toute seule. Donc, 2020 a été une année d’épreuves sur toutes les dimensions surtout aussi la déchirure du tissu social. A la conclusion de 2020, il faut noter que le Guinéen se voit d’un autre œil. Il faut voir l’exemple le plus éloquent qui se passait récemment à Macenta. Des Barbaries inouïes qui ont été le fait des calculs politiques, fait par les hommes politiques qui sont en quête de notoriété qui amènent les citoyens à la base à s’entre-déchiré, à dévaster leur bien. Ils se voient en communauté, en ethnie, même en ennemi politique.

Quelles sont les perspectives de 2021 ?

Nous à notre niveau, nous avons toujours prôné le dialogue et le rapport que nous avons eu à lancer. D’abord, il faut que les Guinéens tirent les leçons. Et nous avons fait beaucoup de combat, d’action sur le terrain de la gouvernance, de la bonne démocratie. Les impacts de ces actions en termes d’humanisme des populations à la base, en termes de renforcement du tissu social, mais aussi en termes d’épanouissement sur le plan économique des populations. Ceci étant, la première des choses, la première personne indiquée dans ce sens-là, c’est le président de la République. Et c’est de faire tout pour que les Guinéens puissent se parler de façon véritable, indépendamment des appétits politiques. Voir ensemble quelles sont les orientations, les lignes que nous allons définir en termes de conduite à suivre pour la marche de notre jeune démocratie.

La deuxième dimension, la corruption est partie de toutes ses poches en 2020. Si on parle de 200 milliards GNF, jusqu’à présent on ne sait même pas quoi, qu’en est-il ? Donc pour la corruption c’est à une dimension aujourd’hui très effrayante que si le président lui-même a reconnu dans le discours, nous voulons une audace. Nous voulons voir le courage. Nous voulons voir de la part du président un homme d’Etat cette fois-ci qui n’est pas l’homme politique, mais qui est près équitablement à combattre ce mal endémique dont souffre le pays aujourd’hui. Je pense que la justice doit être équitable. Une justice pas à double vitesses, mais une justice qui permet aux Guinéens quel que soit ton statut, ton appartenance politique ou sociale que la justice soit pour tout le monde. Que la justice traite tout le monde au même pied d’égalité. C’est vrai, il y a eu des réformes, mais les réformes quelle que soit leur dimension de valeur, lorsqu’elles ont des répercussions directes sur la vie des populations, toute réforme qui se trouve être fait sur le plan de la justice, sur le plan de la sécurité si les populations ne sentent pas cela dans leur quotidien, dans la protection de leur personne humaine et de leur bien, ces réformes seront que des courages théoriques. Alors il faut que la justice s’assume en termes d’indépendance dans son caractère équitable vis-à-vis des populations. Si aujourd’hui le pays ne va pas en chaos avec tout ce qui est l’appétit politique d’anéantir au profit de l’agenda politicien si ce n’est pas les efforts des organisations de la société civile, on aurait été aujourd’hui dans le chaos. Il va falloir aussi que la société civile essaie davantage de plus en plus de se rapprocher des populations en termes d’échange sur l’amélioration de leurs conditions de vie, la protection de leurs droits sociaux. Donc, la société civile a besoin d’avis, sa diversité d’avoir des actions très concrètes.

A l’occasion de son discours de l’an, le président de la République prône la paix. Ce qui réjouit d’ailleurs certaines formations politiques de l’opposition. Votre sentiment ?

C’est bien ! Nous voyons cela de la part de ces partis politiques comme une sorte de réalisme. Une forme de pragmatisme qui consiste à évaluer tout ce qui est l’agenda et de calendrier ces derniers temps. De savoir quelle est la portée de cela pour atteindre leurs objectifs pour l’amélioration des conditions de vie des populations. Donc, encore je trouve cela salutaire. Dialoguer ne veut pas dire renoncer aux autres droits. Dialoguer veut simplement dire il y a une suite sur laquelle nous pouvons essayer si ça marche tant mieux, si ça ne marche pas nous pouvons faire des recours aux autres droits. Mais de toute évidence, nous souhaitons vivement que le président de la République pose des actes maintenant par rapport à cette main tendue. Cela va nous aider davantage à matérialiser non seulement son discours mais aussi à donner du contenu à ce que ces partis politiques qui manifestent aujourd’hui comme leur adhésion à une dynamique de dialogue.

Croyez-vous à un vrai dialogue alors que plusieurs opposants croupissent à la maison centrale de Coronthie ?

La main tendue est là. Mais il faut qu’elle se matérialise d’ardeur. Moi par exemple je trouve déplorable que jusqu’à présent en Guinée on perd la vie banalement. Et c’est difficile de voir que des parents ont leurs proches qui sont privés de leur liberté. Moi je pense que ce qui est déplorable en cela c’est lorsqu’une dimension donnée des gens qui sont à un certain niveau de responsabilité, de l’animation de l’espace politique, quand ces gens-là sont arrêtés, il faut faire le possible qu’ils soient devant la justice pour savoir qu’est-ce qu’on leur reproche.

L’avantage de cela, c’est de faire de telle sorte que cela évite certains chantages politiques. On revient maintenant, on confronte rapidement les faits toutefois s’ils ne sont reprochés de rien, il faut les libérer. Si toute fois aussi il y a une dimension de culpabilité dans une justice équitable, une justice indépendante en ce moment, une autre dimension de plaidoyer ne doit pas faciliter cette situation de grave. Les personnalités du pays sont privés de leur liberté sans pour autant dans la célérité qu’on puisse les montrer qu’est-ce qu’on leur reproche. Donc une fois encore de toute évidence, nous disons que le Président de la République a besoin du courage d’un homme d’État qui permet de poser des actions fortes au-delà du discours par rapport à la question du dialogue par rapport à la question de la paix par rapport à la question nationale. J’ai dit tantôt que son mandat-là c’est un mandat de tous les risques et de tous les défis. Tous les risques parce qu’il serait très difficile maintenant qu’il puisse dire aux Guinéens qu’il ne connaissait pas les cadres après 10 ans de stage. Il n’a aucun argument qui lui sera favorable cette fois-ci pour tenir des simples promesses. Le Guinéen désormais ne peut vivre que des faits, les actes concrets, les impacts directs de leur quotidien sur l’amélioration de leurs conditions de vie, le renforcement du tissu sociale à la base.

Pour le prochain gouvernement, quel conseil donneriez-vous au Pr Alpha Condé ?

D’abord, je voudrais dire au président de la République si peut-être dans son premier mandat, c’est lui qui devait aux gens, devait les récompenser, pour ce cas-là, il n’y a pas à récompenser quelqu’un. Les gens sont suffisamment récompensés. (…). Celui qui sait son slogan ou peut-être je vais dire sa volonté de ‘’gouverner autrement’’ c’est lui qui sait quel est le contenu qu’il donne, mais à s’en tenir à son discours d’investiture, c’est de lutter contre la corruption, c’est de renforcer le tissu social, renforcer la justice, œuvrer pour la bonne gouvernance, renforcer l’emploi des jeunes et la promotion des femmes et l’unité nationale. Alors s’il se maintient à cela, je pense qu’il restera louable d’abord de sortir de l’éducation, parce que chaque jour qui passe est un jour de trop. Qu’il sache depuis le 21 décembre le chrono est mis. Les 100 premiers jours seront évalués à partir du 21 décembre. D’abord il doit s’assumer et dire quels sont les Guinéens avec lesquels il entend développer son discours ‘’ gouverner autrement’’. Deuxièmement, la nomination cette fois-ci doit tenir compte de la réduction du train de vie du gouvernement. Trop de ministère ou même qui ne valent pas la peine une détection. Il faut d’abord qu’il réduise systématiquement cet aspect. Troisièmement, il va falloir que les gens soient nommés non pas sur des bases de récompense, mais sur la base de la compétence, de la compétitivité, la capacité de servir la nation rien que de servir la nation.

 

Entretien réalisé par Amadou Tidiane Diallo

 

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