À 68 ans, le président russe a signé ce lundi 5 avril la loi lui permettant de se présenter pour deux nouveaux mandats présidentiels. Elle avait été validée par un référendum sans suspense en juillet 2020. Elle ouvre la voie au maintien de Vladimir Poutine au Kremlin jusqu’en 2036.
En théorie, l’homme fort de la Russie aurait dû se retirer à la fin de son mandat actuel en 2024. La loi russe n’autorise pas un président à faire plus de deux mandats consécutifs. Mais Vladimir Poutine a trouvé comment enjamber la législation, et ainsi justifier son coup de force instutionnel. Selon le texte qu’il a promulgué lundi, « cette restriction ne s’applique pas à ceux qui occupaient le poste de chef de l’État avant l’entrée en vigueur des amendements à la Constitution » approuvés par référendum en 2020.
En 2036, nouvelle date à laquelle il devra, en théorie, quitter le Kremlin, Vladimir Poutine aura 83 ou 84 ans. Aux commandes du pays depuis 2000, le successeur de Boris Eltsine a en deux décennies éliminé toute réelle concurrence politique en Russie, jugulant l’opposition et les médias indépendants. Il s’est toujours refusé à évoquer sa succession.
« Vie éternelle »
« Qu’ils passent dans la foulée une loi octroyant au président la vie éternelle », a ironisé sur Twitter, Evguéni Roïzman, un détracteur du Kremlin et ancien maire de Ekaterinbourg.
L’équipe de l’opposant emprisonné, Alexeï Navalny, a, elle, réagi en publiant une vidéo datant des années 2000 et dans laquelle Vladimir Poutine disait qu’il était opposé à ce qu’un président puisse rester au pouvoir plus de deux mandats.
Cette réforme, validée par référendum en juillet et adoptée par le Parlement en mars, intervient alors que le chef de l’Etat russe peut se targuer d’une popularité toujours supérieure à 60 % selon les sondages, malgré la pandémie, une économie au ralenti et des réformes sociales impopulaires en 2018.
Ce n’est en outre pas la première fois que Vladimir Poutine est en passe d’atteindre la limite de deux mandats consécutifs. En 2008, il avait pris le poste de Premier ministre et laissé le Kremlin à son dernier chef de gouvernement Dmitri Medvedev. Après cet intermède de quatre ans, il avait été réélu président en 2012 malgré un grand mouvement de contestation.
Puis, la durée du mandat présidentiel avait été prolongée de quatre à six ans et Vladimir Poutine avait été réélu sans surprise président en 2018 avec 76 % dès le premier tour, sans réelle opposition.
Décryptage: Poutine, président à vie ?
Immunité à vie
La loi promulguée ce lundi donne aussi une immunité à vie garantie aux présidents russes, même une fois qu’ils ont quitté leurs fonctions. Vladimir Poutine n’a rien laissé au hasard pour sa retraite.
Le texte contient également de nouvelles exigences pour les candidats à la présidentielle. Ils doivent désormais être âgés d’au moins 35 ans, résider de façon permanente en Russie depuis au moins 25 ans et n’avoir jamais eu une citoyenneté étrangère ou un permis de séjour permanent d’un autre État que la Russie.
Se trouvent par ailleurs intégrés à la Constitution des principes conservateurs chers au président : foi en Dieu, mariage réservé aux hétérosexuels ou encore enseignement « patriotique ».
La Russie de Poutine, un éternel pouvoir de nuisance
Navalny visé
Une autre loi promulguée lundi par Vladimir Poutine sanctionne les insultes envers les vétérans de la Deuxième guerre mondiale, désormais passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison. Alexeï Navalny avait justement été condamné en février à une amende pour diffamation envers un vétéran, qu’il avait qualifié de « traître » pour être apparu dans une vidéo promotionnelle en faveur du référendum constitutionnel.
Etalé sur une semaine en raison de la pandémie de coronavirus, le référendum de l’année passée et dont l’issue ne faisait aucun doute s’était conclu sur une victoire du « oui » à 77,92 % et une participation de 65 %, selon les chiffres officiels.
Alexeï Navalny, dont les équipes avaient filmé à travers la Russie nombre de violations présumées, a qualifié ce référendum d’« énorme mensonge ». L’ONG Golos, spécialisée dans l’observation des élections, a dénoncé une atteinte « sans précédent » à la souveraineté du peuple russe.