La pandémie de Covid-19 a plongé l’an dernier le continent africain dans une récession sans précédent. Les pays africains ont besoin de financer leur relance, mais contrairement aux grandes puissances, ils n’ont pas les mêmes capacités. Le sommet de Paris consacré à la relance de ces fragiles économies, à la question de leur dette et à la crise sanitaire s’est achevé ce mardi dans la soirée.
La conférence de presse a débuté un peu avant 20h30, après plus de cinq heures de plénière. C’est Emmanuel Macron qui a pris le premier la parole. Le président français est revenu sur les objectifs de ce sommet : apporter des réponses de court terme et lancer des dynamiques pour lancer le « New Deal » pour l’Afrique. L’ambition était de récolter 100 milliards de dollars, il promet d’y parvenir. « Nous avons réussi à avancer », a insisté Emmanuel Macron même s’il reconnaît que tout ne peut être changé en un jour.
Nous sommes prêts à réallouer les droits de tirage spéciaux dont la France sera dépositaire, de telle sorte à constituer un tour de table qui s’élève au moins à 100 milliards pour l’Afrique. C’est-à-dire que nous devons plus que tripler l’enveloppe naturelle de l’Afrique à l’occasion de cette émission de DTS. Donc notre travail dans les prochaines semaines va être de convaincre les autres de faire le même taux d’efforts que la France à commencer par les États-Unis d’Amérique […] Je suis confiant […] Cela suppose une réallocation massive de la part de tous les pays les plus riches. La France sera à ce rendez-vous
Sommet de Paris: éviter le décrochage de l’Afrique
Le sommet a confirmé l’émission de droits de tirage spéciaux, les fameux DTS, à hauteur de 33 milliards de dollars pour l’Afrique dont 24 milliards pour l’Afrique subsaharienne. « C’est trop peu » et tous les participants sont d’accord sur ce constat. « L’Afrique ne restera pas à 33 milliards puisque plusieurs pays dont la France se sont engagés à réallouer leurs de droits de tirages spéciaux. Ce que nous avons dit c’est si les autres pays suivent ce que nous sommes prêts à faire, alors ça représentera 100 milliards de DTS. » Parfois abusivement considérés comme la monnaie du FMI, les DTS sont en fait une sorte de chèque convertible en dollars, distribué en proportion du poids spécifique des pays et de leur contribution aux ressources du FMI. Ces allocations sont exceptionnelles et pourront être prêter à taux zéro via le FMI. Ce dernier y a recouru à quatre reprises dans son histoire. La dernière fois, au lendemain de la crise financière de 2008.
Des travaux vont donc être lancés dans les prochaines semaines : un travail technique qui devra aboutir à un accord politique entre le mois de juin et octobre. « C’est le moment d’agir » a insisté la directrice du FMI.
Autre point débattu : la question de la dette. « Nous avons également parlé de l’annulation ou de la restructuration de la dette. Cela dépendra, évidemment je comprends bien, de l’attitude des bailleurs. Nous avons réussi à mettre ensemble grâce à cette conférence donc les États-Unis, la Chine et l’Union européenne qui sont tous d’accord à ce sujet de regarder dans quel sens nous pourrons obtenir cela », a indiqué Félix Tshisekedi, le président en exercice de l’Union africaine.
Beaucoup d’engagements ont été évoqués et doivent être mis en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. La prochaine étape : la réunion du G7, le 11 juin prochain.
«Le sommet de Paris vise à lancer une dynamique internationale»
Des promesses sanitaires pour l’Afrique
Les participants à la conférence, qui a réuni une trentaine de dirigeants africains et européens, ainsi que les grandes organisations économiques internationales, ont promis d’aider le continent sur le plan sanitaire. Ils se sont prononcés en faveur de la levée des brevets afin de favoriser la production sur le continent et la vaccination massive.
« Nous soutenons les transferts de technologie et un travail qui a été demandé à l’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation mondiale du commerce et au Medicines Patent Pool (soutenu par l’ONU, ndlr) de lever toutes les contraintes en termes de propriété intellectuelle qui bloquent la production de quelque type de vaccins que ce soit », a déclaré le président français devant la presse à l’issue de la conférence.
Produire les vaccins anti-Covid en Afrique-même. L’idée est séduisante compte tenu de la défiance qui pèse sur les remèdes produits hors du continent. Ce n’est pas le président de la RDC et président en exercice de l’Union africaine Félix Tshisekedi qui dirait le contraire. Il a souligné que l’enjeu était aussi de convaincre les populations, en contrant le « travail de sape des réseaux sociaux qui ont diabolisé la vaccination ».
Félix Tshisekedi
« Je crois que les Africains sont sensibles à ce genre de choses. Si le produit vient d’Afrique, et qu’ils le voient et qu’ils le sachent, je crois que cela aura un impact positif là-dessus. »
Cette perspective n’est pas si folle pour le président sénégalais Macky Sall dont le pays est déjà engagés avec d’autres pour tenter de produire des vaccins anti-Covid d’ici 2022. Il a relevé que les campagnes de vaccination menées tambour battant dans les pays industrialisés ne garantissent « absolument pas la sécurité sanitaire ». Il a mis en garde contre le risque de développement en Afrique de « variants extrêmement résistants ».
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À plus brève échéance, les dirigeants présents se sont engagés à renforcer l’initiative Covax qui a permis à plusieurs pays africains de vacciner leur population… En accélérant le transferts des doses des pays développés, l’objectif est de passer de 20 à 40% de personnes vaccinés d’ici la fin de l’année.
L’Afrique fait figure de continent relativement épargné sur le plan sanitaire, avec 130 000 morts du Covid-19, selon les chiffres officiels, sur un total mondial de près de 3,4 millions. Mais elle paye un très lourd tribut économique et social, faute d’avoir pu comme les pays les plus riches lancer de pharaoniques plans de relance.
■ En Afrique, Emmanuel Macron a « saisi une véritable opportunité »
Le sommet consacré au sauvetage des économies africaines est une tentative de repositionner la France en Afrique. Avec, observe le chercheur Roland Marchal, un glissement progressif de la diplomatie et des entreprises françaises vers l’est du continent, dont le Soudan. Entretien avec le chercheur du CNRS détaché au Céri-Sciences Po.