CÔTE D’IVOIRE- le retour de Gbagbo, «une nouvelle opportunité pour une véritable réconciliation»

Le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, ce jeudi 17 juin, a été négocié patiemment, pas à pas, par les émissaires de l’ex-président et ceux l’actuel chef de l’État, Alassane Ouattara. Fahiraman Rodrigue Koné, sociologue et chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS), était dans l’édition spéciale de RFI. Il analyse en quoi ces tractations peuvent permettre un retour apaisé, pour tout le pays.

RFI : Est-ce que ces longues négociations entre pouvoir et émissaire de l’ancien président, sont de bon augure pour la suite ? Chacun a fait un pas vers l’autre…

Fahiraman Rodrigue Koné : Tout à fait, je pense que c’est quelque chose de très important. Ces négociations montrent encore une fois que lorsque les dirigeants ivoiriens essaient de dialoguer franchement, ça envoie de très bons signaux d’apaisement à la population, quoique ces négociations sont quand même les indicateurs des intérêts qui sont en jeu, de ce que représente véritablement ce retour en termes de prospectives politiques.

On a vu en octobre dernier, à l’occasion de la présidentielle, à quel point la réconciliation ou le début de la réconciliation pouvait être fragile. Il y a eu encore une centaine de morts, de nombreux blessés… 

Oui, tout à fait. Et c’est un peu quelque chose qui désole dans le contexte politique ivoirien, lorsqu’on voit comment les leaders politiques souvent projettent des discours au point de vue général apaisants et malheureusement, il s’ensuit tout de suite après des séquences dramatiques. On suppose toujours que la sincérité et la réalité de l’engagement produisent un climat politique apaisé. [Mais] quand les intérêts électoraux, je dirais politiques, commencent à prendre le dessus, très rapidement les fissures reviennent et les tensions sociales deviennent préjudiciables.

Dans son interview de fin octobre à TV5 Monde, Laurent Gbagbo n’a pas appelé à la désobéissance civile. Est-ce que cela a aidé à rapprocher les points de vue avec Alassane Ouattara et à la remise de son passeport quelques semaines plus tard ?

Cette posture de Laurent Gbagbo a été très significative dans la manière dont la crise électorale s’est dénouée. L’opposition avait véritablement besoin d’un leadership, parce qu’il n’y avait pas véritablement au sein de cette coalition, de ce conglomérat d’acteurs, un porte-parole, je dirais une figure qui pourrait cimenter et l’opposition attendait justement de Laurent Gbagbo ce soutien qu’il a apporté à demi-mots : il a pratiquement désavoué, empêché cette désobéissance. Cela a envoyé un signal très positif vers l’adversaire, vers Alassane Ouattara. Et certainement, cela a joué dans l’apaisement et cela a facilité les négociations qui s’ensuivirent sur la possibilité de son retour.

Vous parlez de signaux et c’est aussi affaire de signaux cette réconciliation que la Côte d’Ivoire recherche depuis dix ans. Il y a eu en mai le retour des exilés politiques. Aujourd’hui, le retour de Laurent Gbagbo. Quelle peut être l’étape d’après ?

Je crois que l’étape d’après est une étape qui ramène à la responsabilité première de cette élite politique qui nous a  habitués à une rhétorique cosmétique, mais qui s’ensuit toujours par des séquences dramatiques.

En 2001, Laurent Gbagbo au pouvoir avait fait rentrer d’exil Henri Konan Bedié, et Alassane Ouattara avait organisé un forum de réconciliation national qui était censé apaiser la politique et booster la démocratie. Malheureusement, un an après, nous avons basculé dans une très longue crise.

On se rappelle également qu’à la veille de l’élection de 2010, au second tour, il y avait eu ce très bon débat et ces signaux très positifs d’une bonne santé de la démocratie ivoirienne, mais qui malheureusement se sont donc achevés par cette crise électorale meurtrière. Encore une fois, c’est une fenêtre d’opportunité pour une véritable réconciliation nationale. L’élite politique de premier plan est donc face à ses responsabilités.

 

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