Retour des biens culturels spoliés en Afrique. Vers la formation d’un droit international de restitution ! Quelle partition pour la Guinée ? (TRIBUNE de Dr Thierno Souleymane BARRY)

 

Fin novembre 2021. 26 œuvres issues du sac du Palais d’Abomey sont rapatriées de la France au Benin. Une grande date. Un symbole. Les biens culturels spoliés lors des conquêtes coloniales appartiennent à leurs peuples et doivent y être retournés. Notre tribune s’intéressera principalement à la formation ou l’émergence d’un droit international de restitution des biens culturels spoliés, avec le retour des biens culturels béninois comme illustration d’un tel droit et l’action de la Guinée pour le retour de ses biens culturels situés en Occident.

Est-on en présence de la formation d’un droit international au retour des biens culturels spoliés? 

Le droit international prohibe l’attaque des biens culturels. Il existe aussi des timides efforts à la restitution des biens culturels. Cependant, l’érection d’un droit au retour de biens culturels spoliés en termes d’obligations faisant échec au principe d’inaliénabilité du patrimoine culturel est en formation. La réclamation du retour des biens culturels spoliés en Afrique est ancienne. Force est de reconnaitre tout de même que le cadre conceptuel du retour des biens culturels spoliés en Afrique a pris une tournure exponentielle depuis le dépôt du Rapport Savoy-Sarr. Nous sommes en présence d’une forte et constante demande venant majoritairement des pays du Sud abritant des peuples ayant subi la spoliation de leurs biens culturels lors des conquêtes coloniales particulièrement en Afrique. Face à ces demandes et en dépit du refus antérieur fondé sur leur droit interne et autres considérations, plusieurs pays du Nord notamment la France commencent à fléchir leurs positions tranchées en la matière. De plus en plus, des restitutions ou des projets de restitution se font de manière bilatérale.  Le terrain n’est pas ex nihilo mais ces diverses actions ne sont-elles pas constitutives d’indices de la formation ou consolidation d’un droit international de restitution de biens culturels spoliés ?

Le retour des biens culturels béninois : illustration d’un droit au retour des biens culturels spoliés en Afrique 

Courant juillet 2016, le Président du Benin a officiellement demandé au Président de la France la restitution des biens culturels saisis et emportés en France lors du sac d’Abomey par des soldats français en 1892. D’étapes en étapes, sertis de négociations, d’études et de rapports, de changement de lois et d’ententes, les objets culturels réclamés sont solennellement restitués par la France au Benin. En sus du Benin, il y a eu la restitution du sabre d’El Hadj Oumar Tall par la France au Sénégal. D’autres réclamations venues du Nigeria et d’ailleurs se font de plus en plus pressantes. Qu’en est-il de la Guinée et de ses biens spoliés dans le même contexte ?

Quelle partition la Guinée peut et doit-elle jouer  pour le retour de ses biens culturels spoliés se trouvant en Occident ? 

La Guinée a vécu le même processus de spoliation de ses biens culturels lors des expéditions coloniales avec les conquêtes des royaumes  côtiers, du royaume théocratique du  Fouta Djallon, de l’empire samorien et des royaumes des peuples de la forêt. Les effets de ces conquêtes coloniales ont été le pillage de ses biens culturels qui se retrouvent aujourd’hui dans les musées de l’Occident, principalement en France. La Guinée, à l’instar d’autres pays, doit faire de la restitution de ses biens culturels spoliés une priorité nationale. Le processus peut passer par l’adoption d’une loi au retour des biens culturels, la constitution d’un comité d’experts en la matière, l’inventaire des biens culturels spoliés, la réclamation officielle de restitution et l’adoption d’une politique de formation et d’établissement d’institutions de conservation du patrimoine national des biens objet de retour.

Nous marquons notre faveur pour des actions significatives en faveur du retour des biens culturels spoliés en Afrique lors des croisades coloniales et la consolidation de ce droit international de restitution des biens culturels spoliés aux peuples, leurs légitimes propriétaires.


                    
                                     Conakry, le 29 novembre 2021  

-Juris Guineensis No 18.

Dr Thierno Souleymane BARRY,  

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)  

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour 

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