Le Tchad sous tension et sous le choc après la répression des manifestations

Mahamat Idriss Déby Itno, jeune général de 39 ans sans aucune expérience politique avant son accession au pouvoir en avril 2022 à la suite du décès de son père, semblait avoir tiré son épingle du jeu. Mais avec la répression des manifestations de jeudi à Ndjamena et dans trois autres villes du sud du pays, certains observateurs s’interrogent tandis que les appels à la communauté internationale se multiplient.

Main tendu à l’opposition, agrément du parti des Transformateurs de Succès Masra ou encore du mouvement Wakit Tama, droit de manifester accordé à l’opposition, et dernièrement, organisation d’un dialogue national inclusif et souverain, Mahamat Idriss Déby Itno avait fait un quasi sans faute jusqu’ici, de l’avis de nombreux observateurs.

La communauté internationale, à commencer par l’UA, lui avait même manifesté une certaine compréhension en évitant les sanctions. Et certains opposants lui avaient reconnu une certaine « sagesse » dans la gestion de la transition, malgré quelques interventions musclées des forces de l’ordre lors de manifestations organisées par l’opposition.

Mais jeudi, les forces de l’ordre et de sécurité, dont les hommes de la DGSEE, l’équivalent de la garde présidentielle au Tchad, ont réprimé dans le sang à Ndjamena et dans d’autres villes du pays des manifestations contre le maintien à la tête de la transition du président Mahamat Idriss Déby Itno.

Une commission sera mise en place par le gouvernement. Les responsabilités doivent être situées, l’autorité de l’État doit être restaurée. (…) Le Tchad n’a pas besoin de déstabilisation, le Tchad a besoin de dialogue et de paix. La suite, nous nous en remettons à ce que le gouvernement est en train de vouloir faire.

JEAN BERNARD PADARÉ, PORTE-PAROLE DU MOUVEMENT PATRIOTIQUE DU SALUT

Le bilan est très lourd, une cinquantaine de morts, et quelque 300 blessés selon le nouveau chef du gouvernement, Saleh Kebzabo, qui a dénoncé « une tentative de coup d’État », en justifiant l’usage de balles réelles contre « une insurrection populaire en vue de s’emparer du pouvoir par la force ».

L’opposition, elle, dénonce une « barbarie sans nom » organisée par le pouvoir pour étouffer dans l’œuf les manifestations. Succès Masra qui en appelle à la communauté internationale, a donné lui un bilan de 70 manifestants tués, des centaines de blessés et d’arrestations.

 

Du côté de la population, on est sous le choc, « c’est la première fois, de mémoire de Tchadien, qu’on a autant de morts dans la répression d’une manifestation », a déploré l’Église catholique vendredi. La Fédération internationale pour les droits humains évoque des « massacres de civils » et en appelle aussi à la communauté internationale pour « mettre fin à l’impunité dont jouit le régime de transition tchadien ». « Rien ne sera plus comme avant », renchérit un jeune journaliste de Ndjamena.

Il faut que l’UE, l’UA, les Etats-Unis, la France doivent faire en sorte que des garde-fous soient mis en place. (…) Aujourd’hui, vu ce qu’il s’est passé, ces organisations doivent lui dire (à Mahamat Idriss Déby Itno) clairement qu’il n’a pas le droit, qu’on ne peut plus jamais tolérer cela. Le langage de fermeté doit être de toute part pour que cette transition puisse aboutir à des élections démocratiques.

MAITRE DRISSA TRAORÉ, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FIDH

Dans un communiqué diffusé ce vendredi, le président de la Commission nationale des droits de l’homme, Mahamat Nour Ibedou dit son incompréhension face au déchaînement de violence contre des manifestants et rappelle, que « les assurances avaient été données par des sources sécuritaires haut placées, qu’aucune balle ne serait tirée contre d’éventuels les manifestants ». La CNDH annonce qu’elle diligentera une enquête pour situer les responsabilités.

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