Dans l’histoire récente de la Guinée, la Justice a toujours été du côté des oppresseurs. Au lendemain des indépendances, chacun savait à quoi s’en tenir puisque politique et justice se confondaient. Le principe de la séparation des pouvoirs et l’indépendance des juges étaient quasiment inexistants. À la faveur du changement de régime en 1984, la Guinée a opté pour la démocratie, l’État de droit et les libertés individuelles, la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice.
Mais fort malheureusement, la justice n’a jamais su se montrer à la hauteur des attentes des citoyens. L’une des pages les plus sombres de ces vingt dernières années sur le plan judiciaire reste incontestablement les procès et arrestations des acteurs de la société civile et des partis politiques de 2019 à 2023 que tout monde, y compris la communauté internationale a qualifié de comédie judiciaire ou de parodie de justice. En 2013, les états généraux de la justice ont été organisés au Palais du Peuple à l’initiative du même Alpha Condé, devenu entre-temps président de la République, un exercice similaire répété par le putschiste Mamadi Doumbouya dès sa prise de pouvoir.
Au lendemain de ces états généraux et surtout au regard des recommandations qui avaient été présentées au premier magistrat du pays, on pouvait espérer que la justice ferait sa mue. Mais, plus de neuf ans après, la justice continue à être une déception pour bon nombre de citoyens, au point qu’on peut se demander aujourd’hui si elle est réformable. Elle est toujours minée par les mauvaises pratiques qui ont tendance à devenir une gangrène. Pourtant, les magistrats sont à l’heure actuelle les « agents de l’État » les mieux payés. Mais la justice n’arrive toujours pas à satisfaire les justiciables. Pire, elle est devenue le deuxième pied de la dictature, l’autre étant les forces de défense et de sécurité. Même le légionnaire Doumbouya ne semble pas être satisfait de la justice bien que la plupart de décisions de justice contre ses opposants sont destinées à lui faire plaisir.
Comme l’a dit le doyen Thierno Monénembo, je cite « L’intellectuel guinéen a un gros problème : son ventre est dix fois plus curieux que sa tête. Préoccupé de belles maisons et de bonne bouffe, de bolides et de blazers, englué jusqu’au cou dans le plus sordide des quotidiens, notre bonhomme a définitivement déserté le champ historique et culturel. Ce qui laisse la porte grandement ouverte aux crétins et aux fripouilles. Est-ce bien malin que de se faire guider par plus petit, plus vil et plus ignorant que soi ? ».
Les magistrats ne devraient pourtant pas perdre de vue que si Mamadi Doumbouya a eu des mots durs à l’endroit de la justice quand il est arrivé au pouvoir, un autre ferait la même chose un jour. Des magistrats ont contribué volontairement ou involontairement à tuer le rêve démocratique des Guinéens. Mais ils seront eux-mêmes jugés un jour par le Tribunal de l’Histoire.
SEKOU KOUNDOUNO
RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC
MEMBRE DU RÉSEAU AFRIKKI NETWORK