Située au sud-est de l’Afrique occidentale, avec une population de 13 865 692 d’habitants, la République de Guinée dispose de deux (2) Centres hospitaliers universitaires. A Conakry la capitale, lgnace Deen est le premier centre hospitalier construit à l’époque coloniale entre 1900 et 1901. Sis à Kaloum cet hôpital a une capacité d’accueil de 450 lits. Le second est Donka. Son histoire est toute particulière. Construit depuis 1950, c’est en 1960 qu’il est opérationnel. Situé dans la capitale guinéenne comme le premier, le CHU Donka a été remis en chantier en 2015 pour être réhabilité. Les travaux de réhabilitation ont duré 7 ans.
Depuis le 17 août 2022, ce Centre est remis en service partiel avec une capacité d’accueil de 631 places. Conjointement financée par le gouvernement guinéen, le Fonds saoudien de développement et la Banque islamique de développement, la réhabilitation de l’hôpital de Donka a coûté 72 360 000 de dollars US.
Selon Dr Mamadou Péthé Diallo, ministre de la Santé et de l’Hygiène Publique, ce CHU réhabilité affiche un plateau technique ultra moderne répondant aux normes standards.
Sans pour autant mettre fin aux calvaires…
Pour le ministre, l’hôpital Donka permettra de réduire les évacuations sanitaires, c’est-à-dire le déplacement des guinéens vers des pays étrangers dans l’optique de bénéficier des soins de qualité. Et pourtant, le calvaire des patients continue. Dans sa peau neuve, l’hôpital Donka a du mal à redonner le sourire aux patients. Ils sont nombreux, ceux qui y décrient la prise en charge.
Dans ces deux hôpitaux, la négligence au niveau de la prise en charge des patients continue de faire son lit. En cause, les Hommes en blouse. En vue de réduire les évacuations médicales vers les pays étrangers, les dispositions portant sur leurs missions et attributions, assignent à ces hôpitaux la mission d’assurer la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de soins spécialisés : la prise en charge de tous les malades, surtout ceux souffrant de pathologie d’extrême gravité. Et pourtant à Donka et à lgnace Deen, c’est une prise en charge au vitriol.
Amadou Barry, cette vie qui s’est éteinte dans la fleur de l’âge
Amadou Barry fait partie de ces nombreux Guinéens qui sont décédés par erreur médicale. Il avait 15 ans. Selon les résultats des analyses médicales faites par une équipe de garde de la nuit du mercredi 08 juin 2022 à l’hôpital Donka, il souffrait d’une occlusion intestinale. Les médecins ont convaincu la famille du jeune homme qui redoutait une intervention chirurgicale que c’est une maladie mortelle qui nécessite une action urgente et immédiate pour lui sauver la vie.
Candidat au BEPC (Brevet d’études du premier cycle), c’est à la veille de l’examen qu’il a été opéré. Son intervention chirurgicale a eu lieu le 9 juin 2022 aux environs de 16 heures TU. A sa sortie du bloc opératoire vers 18 heures, le jeune Barry placé sous soins intensifs a passé plusieurs heures dans un coma profond dont il ne s’est jamais réveillé.
Il était 21 heures environ, lorsqu’une vie s’est éteinte dans la fleur de l’âge. Porté entre la vie et la mort, Amadou Barry, 15 ans, a lâché la rampe dans l’épreuve. Il est décédé. Selon les explications de son frère aîné qui était à son chevet, le jeune Barry avait perdu assez de sang et ne pouvait plus tenir longtemps.
« Il s’est vidé de son sang. Son lit était couvert de sang lorsqu’il était sorti du bloc. Il y a eu une intense et longue hémorragie et les médecins ne l’ont certainement pas remarqué au moment opportun« , a-t-il déploré.
Selon les témoignages de son grand frère, Amadou Barry hésitait à se faire opérer. Mais sur insistance des médecins, n’ayant pas le choix et craignant d’être tenu pour responsable du pire, il a réussi à en convaincre son frère qui, finalement, a cédé. « Mon frère a toujours dit qu’il ne faisait pas confiance aux médecins. Il ne voulait pas du tout qu’on lui fasse l’opération. Il était très perturbé. Et j’avais l’impression que le médecin était en train d’exercer une pression sur moi. Alors qu’il y avait une parfaite amélioration de son état après les premiers soins », peste-t-il.
Sans compter le coût des produits, l’opération a coûté 4.000.000 Francs guinéens, selon la famille du défunt qui regrette l’absence d’un rapport médical sur les causes du décès du jeune Barry.
L’article 18 du Code de déontologie médicale est très précis à cet effet: « La médecine ne doit pas être pratiquée comme le commerce ».
« Le chirurgien est rentré après l’opération et ce sont les infirmières qui s’occupaient de lui. Il y a eu des complications. Le petit ne s’est jamais réveillé. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais je me dis que si quelqu’un est opéré même s’il doit mourir, s’il n’y a pas eu des erreurs d’ordre anesthésique, il doit normalement se réveiller », poursuit Ibrahima Sory Barry, grand frère du jeune élève Amadou.
Des patients et leurs accompagnants, ils n’ont qu’à se débrouiller…
Alors que le gouvernement de transition se vante d’avoir réussi le pari de restaurer la confiance entre le système de santé et les populations, les habitudes n’ont pas changé dans ces établissements hospitaliers.
Pour leur transfèrement d’un service à un autre pour des soins, les patients ne sont pas assistés. Au grand dam des praticiens hospitaliers censés le faire, ils sont abandonnés aux soins de leurs accompagnants.
Gravement malade, la mère de Mouctar Diallo a été admise, le 15 novembre 2022, au service d’urgence de l’hôpital Donka. Il raconte sa mésaventure.
« Je suis arrivé à Donka en toute urgence pour sauver ma maman gravement malade. En lieu et place de l’agent posté à la devanture du service des urgences, c’est moi qui ai transporté ma mère jusque dans le lit pour qu’elle puisse être consultée. Un lit qui n’est même pas couvert, j’étais obligé de trouver moi-même un drap. Et ce qui m’a davantage choqué, c’est le fait qu’aucun praticien ne voulait s’approcher d’elle. Vous voyez une patiente qui est sur le point de mourir et vous restez inerte comme si vous n’aviez pas prêté serment. Je me demande qu’est ce ces hommes en blouses ont fait de leur vocation « sauver des vies », a-t-il déploré.
Et d’ajouter « En tant que conducteur, j’ai été confronté à une situation semblable il y a un mois. Je suis venu accompagner des gens ici pour récupérer le corps d’un des leurs. Quand nous sommes arrivés dans l’enceinte de l’hôpital, aucun praticien n’est venu nous aider, nous étions obligés d’embarquer nous-mêmes le corps sans aucun certificat médical. Où allons- nous? »
Toujours à l’hôpital Donka, une femme grabataire qui agonisait n’est plus ressortie vivante des services d’urgence où elle a été admise aux alentours de 16 heures. Elle y a été accompagnée par sa sœur. A leur arrivée, elles n’ont pas été vite prises en charge. Au bout de sa patience, l’accompagnante nous confiait avoir fini par se lâcher. « Eh! Venez à notre secours », s’exclamait-elle.
En réponse à son cri de détresse, c’est l’insouciance. « Madame, les patients sont nombreux dans la salle de consultation »,rétorqua un médecin.
Et pourtant l’article 9 du code de déontologie médicale, indique clairement que tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril doit lui porter assistance.
Le directeur général de l’hôpital Donka joint à ce propos, a déclaré qu’il était à Paris pour des soins et n’était pas en mesure de répondre à nos questions.
Faux frais, l’autre racine du mal
M’mah Sylla, réside dans la région de Kindia à environ une 1 heure 30 minutes de Conakry. Pour sauver la vie à son fils, qui a subi une intervention chirurgicale non réussie dans une clinique privée de la place, toute désemparée, elle s’est transportée en urgence avec ce dernier au CHU lgnace Deen. Mais là elle a dû se confronter au coût des soins qu’elle juge exorbitant par rapport aux cabinets privés.
« Si vous n’avez pas assez d’argent ne venez pas à lgnace Deen », alerte-t-elle. » « Sinon les médecins ne vont même pas vous approcher, quel que soit l’état dans lequel se trouve votre patient », explique celle qui nous déclare avoir passé presqu’un mois dans cet hôpital.
«Quand je suis arrivée à Ignace Deen, les médecins ont exigé à ce que je paye les frais médicaux avant d’introduire mon fils dans le bloc opératoire afin de le sauver! Si je n’avais pas d’argent, je ne pense pas qu’il allait survivre », raconte-t-elle.
À défaut de nous faire accéder au dossier médical, elle nous a fait savoir que l’intervention lui a coûté 4.000.000 francs guinéens. Elle confiait que son fils devenant de plus en plus anémique, on lui a fait payer des poches de sang à 200 mille francs guinéens l’unité.
Contacté, le Directeur général de l’hôpital Ignace Deen, Professeur Mamadou Dadhi Baldé, a été catégorique :
« Le sang ne se vend pas! Quand vous avez besoin de sang, vous venez à la transfusion sanguine. Ce qu’on vous demande, c’est d’amener des donneurs qui seront prélevés et testés contre le VIH, l’hépatite etc ».
Selon ce Professeur agréé en cardiologie, les frais de recouvrement des tests sanguins et la poche de sang s’élèvent à 13 500 francs guinéens seulement.
« Mais comme dans toutes structures, il y a des abus qui se font. Quand on vous dit d’acheter une poche de sang, vous devez dénoncer parce que ça ne se fait pas », a-t-il insisté.
Le directeur général du CHU Ignace Deen affirme qu’aucun médecin n’est habilité à récupérer de l’argent des mains des patients.
« Le médecin fait habituellement une ordonnance, comme ça vous achetez les médicaments pour l’intervention. Parce que dans beaucoup de services spécialisés ces médicaments ne se retrouvent pas forcément au niveau de l’hôpital. Si vous avez vos médicaments et votre reçu de 540 mille pour les frais d’hospitalisation, c’est suffisant pour vous faire opérer. Certainement, il y a des médecins qui demandent de l’argent direct. Ils n’ont pas le droit de le faire. Ce n’est pas le rôle du médecin de prendre de l’argent avec son patient », a-t-il martelé.
Ventes illicites des médicaments, surfacturation : bienvenue à Ignace Deen
Pour M’mah Sylla, ce CHU est devenu un véritable centre de négoce et les autorités de la transition sont en train de berner la population à travers de beaux discours, alors qu’elle souffre le martyre.
Cette dame d’une quarantaine révolue raconte avoir vu des patients gravement malades se faire expulser faute de paiement des frais d’hospitalisation. Comme ce fut le cas d’une femme dont le mari était hospitalisé au service d’Acupuncture de l’hôpital Ignace Deen. « Ici j’ai vu un malade en provenance de Dabola (Haute Guinée), se faire vider parce qu’il n’a pas pu payer les frais d’hospitalisation », a-t-elle confié.
« Mon mari est hospitalisé ici depuis plusieurs jours. Mais avant, les médecins qui nous ont reçus ont demandé de payer 1 million 50 mille juste pour les frais d’hospitalisation », a-t-elle déploré.
Nous avons essayé en vain d’accéder au dossier médical de son époux. Cette dernière a juste voulu témoigner sous couvert d’anonymat. D’après elle, les tarifs médicaux varient selon les moyens des patients.
Selon l’article 7 du Code de déontologie médicale, « le Médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou non à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ».
Thierno Aïssatou Sow, malade d’AVC ischémique, a été conduite à l’hôpital Ignace Deen par son fils Mamadou Aliou, le 08 novembre 2022.
Au bout de deux semaines de traitement, la patiente est décédée le 24 novembre 2022. Mais entretemps, son fils qui s’occupait de ses frais médicaux, a été victime d’une pratique illicite.
En consultant le dossier médical de Thierno Aïssatou Sow, nous avons pu compiler une vingtaine d’ordonnances parmi lesquelles cinq (05) ont été toutes prescrites le 22 novembre 2022 par le même médecin traitant.
« Nous avons dépensé plus de 20 millions francs guinéens en deux semaines. Les médecins prescrivent des ordonnances inlassablement. Et ce sont eux-mêmes qui vous donnent les médicaments sans que vous ne partiez à la pharmacie », raconte le fils de la défunte.
« Peut-être que ce n’est pas un bon médecin. C’est des pratiques qu’il faut dénoncer. Parce que normalement une bonne ordonnance ne doit pas dépasser trois produits si c’est pour une seule maladie », rétorque Professeur Mamadou Dadhi Baldé, selon lui s’il y a des complications, on peut aller au-delà d’une ordonnance, mais dans les conditions normales lorsqu’on prescrit des médicaments, il faudrait impérativement procéder à une évaluation.
« Il y a beaucoup de pratiques, on est dans un centre hospitalier universitaire. Il y a beaucoup de stagiaires. Des gens qui sont en formation ou des gens qui ont fini. Avec le chômage ils sont à côté de nous. Qu’ils soient des médecins ou des infirmiers, ils se font payer par des patients, ce qui n’est pas normal », regrette-t-il.
Pour ce qui est des frais d’hospitalisation, Mamadou Aliou déclare avoir payé 1 million 50 mille francs guinéens. Selon lui, dix jours après, ils ont été sommés de quitter les lieux au risque de payer le double de ce montant.
« Nous avons voulu savoir pourquoi on nous demandait de payer encore au risque de vider les lieux. Mais, vu l’état de santé de ma mère, j’ai coopéré et j’ai encore payé 1 million 50 mille francs guinéens », a-t-il raconté tout en déplorant l’inexistence d’un reçu de paiement et le manque d’attention des praticiens hospitaliers vis-à-vis des patients et de leurs proches.
« Dès qu’ils finissent de vous soutirer le montant qu’ils veulent, ils feront tout pour vous libérer même si l’état du patient reste critique. lls n’ont aucune empathie envers les malades. Même avec toutes ces exigences, ils ne mettront aucun document à votre disposition prouvant que vous avez payé les frais d’hospitalisation », se plaint-il.
Face à cette situation, Professeur Mamadou Dadhi Baldé en appelle aux patients d’exiger un reçu à chaque paiement.
« Il y a une agence comptable au niveau de l’hôpital où se trouvent des percepteurs, c’est à leur niveau qu’on doit payer. Quand vous payez vous avez un reçu à trois volets. Il y a un qui vous revient, un au service et un autre pour l’agence », a-t-il confié.
Selon les témoignages de Mamadou Aliou, il revient au patient de fournir des gants au médecin pour se faire soigner. Il en a été victime, lorsqu’il était au chevet de sa mère.
Pourtant, les médecins sont dotés d’équipements de protection au sein de cet établissement. Selon le professeur Mamadou Dadhi Baldé, les recettes de la neurologie par exemple s’élèvent à 10 millions francs guinéens par mois, et les 25% reviennent à ce service. Cette initiative permet de motiver le personnel et d’acheter entre autres des équipements de protection.
« Ceux qui prennent de l’argent et qui ne donnent pas de reçu, ce n’est pas à l’avantage du service. En fait ça baisse les recettes du service. C’est pourquoi les malades doivent exiger un reçu », précise-t-il.
«Ces kits sont fournis en partie par l’hôpital. Ce n’est pas aux malades d’acheter ces kits. C’est souvent des infirmiers qui le font. Ils n’en n’ont pas le droit », ajoute-t-il.
Le Directeur général de l’hôpital Ignace Deen confie également que les frais normaux d’hospitalisation dans les services de médecine (cardiologie, neurologie…) sont fixés à 180 mille pour les dix jours. Mais, si le patient souhaitait un cadre plus confortable, le montant à payer est de 100 mille francs guinéens par jour. Alors que, deux proches de patients que nous avons approchés, dans le cadre de cette enquête, déclarent avoir payé 1 million 50 mille francs tous les 10 jours. Soit une différence de 50 mille francs guinéens par paiement.
Quand Ignace Deen rime avec racket
Dans cet hôpital, il existe bel et bien des fauteuils roulants à l’entrée, mais pour procéder au transfèrement des malades à mobilité réduite, leurs proches doivent obligatoirement débourser de l’argent.
Les tarifs varient selon les services. Par exemple, si vous souhaitez déplacer votre patient de la neurologie jusqu’à la devanture de l’hôpital, vous payez 15 000 francs guinéens. C’est d’ailleurs un des praticiens hospitaliers qui nous a fait cette confidence.
Au chevet de sa mère qui est malade d’un accident cardio-vasculaire et admise à la Neurologie d’Ignace Deen, Ibrahima Diallo est confronté à cette situation. Il déplore le fait qu’il faut obligatoirement payer pour l’assistance aux patients à mobilité réduite.
Arrivé à Ignace Deen avec sa patiente vers 14 heures le jeudi 10 novembre 2022, M. Diallo a dû payer un bon de 20.000 francs guinéens. Ce qui lui parait un peu gênant et anormal. Préoccupé par l’état de santé de sa mère, il n’a pas le choix de s’y opposer. « J’ai donc payé l’argent et on a fait monter ma maman », a-t-il déclaré.
Aux services de Cardiologie et d’Acupuncture, des proches de patients affirment débourser 10 000 Francs guinéens à chaque fois que leurs patients devraient être transférés d’un endroit à un autre. Et ceci sans reçu de paiement.
« Cet argent part directement dans leurs poches, c’est une réalité. Ils le font sans pour autant fournir de pièces justificatives. Il faut débourser de l’argent, sinon, vous ne pouvez pas utiliser un fauteuil roulant ici », a renchéri un patient.
Et pourtant, c’est un dispositif gratuit mis uniquement en faveur des personnes ayant des incapacités motrices. Selon le DG, ces équipements sont fournis en grande partie par l’hôpital. « Vous avez vu que l’hôpital a deux compartiments séparés par une route d’une grande affluence, donc c’est pour faire passer les patients d’une structure à une autre ou alors pour aider ceux qui arrivent à l’entrée pour rejoindre les services qui s’occupent d’eux. Vous connaissez d’une part la tradition, il y a des gens qui, spontanément peuvent donner de l’argent à celui qui a fait ce service. Et certainement, il y en a qui exige et je ne peux pas nier cela. Mais dans les conditions normales, ce n’est pas payant« , a-t-il expliqué.
Il nous précise que le centre hospitalier Ignace Deen est doté d’une ressource humaine de qualité avec plus de vingt professeurs en service. « Il ne faut pas confondre, dans toutes structures il y a des brebis galeuses. Les gens doivent dénoncer ces comportements ».
Mêmes les accompagnants doivent payer à la « douane » d’Ignace Deen
A l’entrée de l’hôpital Ignace Deen, c’est clairement indiqué que les frais de consultations pour adultes s’élèvent à 15 mille francs guinéens et 10 mille pour les enfants.
Mais, pour pouvoir y accéder en dehors des heures de visites, des accompagnants doivent payer 15.000 francs guinéens, équivalant aux frais de consultations.
« Si vous devez sortir acheter à manger en dehors de l’hôpital, au retour, on vous exige de l’argent pour pouvoir y accéder, même s’ils reconnaissent que vous avez un malade au sein de l’hôpital », a témoigné M’mah Sylla qui en a fait les frais
Ibrahima Diallo a aussi été confronté à cette situation. Alors que sa maman a été admise à Ignace Deen le 10 novembre 2022, le jour qui a suivi, il a été bloqué à la porte faute de ticket. Il lui a fallu obligatoirement payer ce ticket au nom de sa mère alitée.
Le professeur Mamadou Dadhi Baldé souligne néanmoins que ce montant est uniquement lié aux frais de consultation. En aucun cas, un accompagnant ne doit être soumis au paiement d’une quelconque facture.
La coalition nationale des professionnels de santé (CONAPROS) interpellée
Dr Mohamed Condé est le président de ce syndicat professionnel de la santé. Il rappelle que le devoir des médecins, c’est d’apporter soins de qualité aux patients.
« Nous avons prêté serment d’apporter des soins adéquats à tous les patients. Les malades ne sont pas là pour nous plutôt c’est nous qui sommes là pour eux. Nous devons avoir des comportements sains. Il faut savoir accueillir les malades », a-t-il précisé. Selon lui, le ministère de la Santé est en train de développer une approche qui va impliquer les malades dans la gestion de leur prise en charge.
« Cela va faciliter la collaboration et créer la confiance et je crois que ces manquements de part et d’autres vont disparaître. C’est un combat de longue haleine. Nous allons nous battre et avec la volonté politique des acteurs, je crois que nous allons réussir à qualifier le système de soins en République de Guinée », a-t-il déclaré.
Selon l’insuffisance du Budget et l’absence d’un statut particulier
Le plan national de développement sanitaire 2015-2024 souligne que les ménages constituent la principale source de financement de la santé en Guinée avec 62,20% de la dépense totale de santé en 2010, sous forme de paiements directs.
À travers le système de recouvrement, les populations prennent en charge une partie des coûts de fonctionnement des établissements de soins comme le rachat des produits pharmaceutiques, la motivation du personnel, le fonctionnement de la chaine de froid, les dépenses d’entretien et de maintenance et les outils de gestion.
En 2021, le budget alloué au secteur de la santé était de 1 388 milliards 865 millions Francs guinéens. Le budget de l’exercice 2022 est estimé à 2 331 milliards 584 millions, alors que la loi de finance initiale dépasse les 30 mille milliards (30 607 656 125 068).
Dans ce montant alloué au département de la santé, c’est seulement 13 milliards francs guinéens qui sont prévus comme subvention accordée à l’hôpital Ignace Deen cette année.
« Mais à cette date, c’est 3 milliards seulement que nous avons reçus », précise le Directeur général du Chu Ignace Deen qui rappelle qu’il s’agit d’une simple prévision.
Pour ce qui est des recettes de cet hôpital, le Directeur général prévoit 5 milliards Francs guinéens contrairement aux années précédentes où le revenu était assez faible (moins de 2 milliards).
De l’avis de Mamady Kaba, président de la Ligue pour les droits et la démocratie en Afrique, le budget alloué au secteur de la santé est très insuffisant, au regard des défis à relever pour améliorer l’accès du plus grand nombre à des soins de qualité.
« Cependant, il convient de préciser que l’augmentation du budget alloué au secteur doit être précédée d’actions fortes devant garantir l’accès à des soins de qualité pour tous », a-t-il fait remarquer.
Comme dans beaucoup de pays du tiers-monde, l’accès à la santé est plus un privilège qu’un droit, selon cet ancien président de l’institution nationale indépendante des droits humains.
L’activiste des droits de l’homme, également personne ressource au Conseil national de la transition, fait remarquer que les centres de santé sont rares et ne couvrent pas les besoins nationaux.
Dans la foulée, le rêve du statut particulier des agents du secteur, tarde à devenir réalité en Guinée ; ce qui contribue selon lui à une démotivation généralisée dont les victimes sont les pauvres, qui constituent la très grande majorité des populations.
« Les meilleurs soins ne sont accessibles que dans les cliniques où à l’étranger. La raison principale de ce désastre demeure la cupidité des responsables du pays qui utilisent les budgets alloués au secteur à des fins personnelles, privant, de facto, les populations de centres de santé, d’équipements de qualité et de ressources humaines de qualité, pour une prise en charge adéquate des patients », a-t-il déploré.
Les détournements de derniers publics constituent à ses yeux, un facteur déterminant de la situation désagréable que vivent la majorité des Guinéens en matière d’accès à la santé. C’est pourquoi il salue la mise en place de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières par la junte au pouvoir (CRIEF).
« C’est le meilleur moyen de moraliser la vie publique et de favoriser une meilleure redistribution des richesses nationales. Il faut donc renforcer la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite susceptibles d’anéantir tous les efforts visant à accroître les capacités du secteur », a-t-il conseillé.
Pour améliorer l’accès à des soins de qualité pour tous, le département de la santé a comme perspectives, la réhabilitation de l’hôpital Ignace Deen et la construction de 4 hôpitaux régionaux.
Dans cette perspective, le ministère prévoit d’ériger l’hôpital sino-guinéen fruit de l’amitié entre la Guinée et la Chine en centre hospitalier universitaire.
Mais en attendant, les patients broient du noir à Donka et Ignace Deen.
Enquête réalisée par Hadja Kadé Barry, grâce à l’appui de la cellule Norbert Zongo pour l’investigation en Afrique de l’ouest