En Guinée, la culture de l’impunité et d’indifférence fait que les cadres honnêtes et intègres sont isolés et marginalisés (opinion)

Une question taraude mon esprit depuis très longtemps dont je n’arrive pas à avoir une explication. Je me suis dit que je vais partager ma préoccupation avec d’autres personnes plus avisées que moi afin d’avoir éventuellement une idée qui pourrait me permettre finalement d’avoir une réponse.

J’ai eu la chance et le privilège de côtoyer des cadres guinéens dotés d’intelligence et de capacité intellectuelle hors norme. Certains d’entre eux ont été nommés à des postes de responsabilité soit au sein du gouvernement ou dans des entreprises publiques d’une importance considérable. Je me suis dit, enfin, voilà une bonne nouvelle. Ils vont pouvoir prendre des décisions majeures dans l’intérêt de notre pays en toute indépendance et objectivité.

Malheureusement, dans la plupart des cas, c’était une déception totale. Ils se sont illustrés par une volonté farouche de s’enrichir le plus rapidement possible au détriment de ceux-là qu’ils sont censés servir, la population. Ceux qui n’ont pas pu s’enrichir, se sont battus bec et ongles afin de pouvoir préserver leur poste à n’importe quel prix. Ils se sont abstenus soit de donner des conseils avisés et objectifs en toute vérité à leur supérieur ou se sont contentés de faire la figuration en subissant des humiliations et des réprimandes sans jamais oser protester jusqu’à leur limogeage. Et pourtant ce sont des cadres bien formés. Certains ont été dans les écoles occidentales les plus renommées et n’ont rien à envier à quiconque. D’où ma question, pourquoi une telle attitude qui consiste à gommer tous les souhaits et désirs du supérieur, qui agit en toute illégalité, sans jamais oser lever le petit doigt pour lui dire la vérité, rien que la vérité?

Lorsqu’un cadre fait face à un cas d’injustice, de détournement des deniers publics, de corruption, de prise des décisions arbitraires, etc., il devrait avoir le courage de le dénoncer ou s’il le faut présenter sa lettre de démission et préserver ainsi sa dignité et son intégrité. En cautionnant des pratiques qui sont en violation des dispositions légales, d’éthique et déontologique, on devient aussi coupable que l’auteur de l’acte. On dit communément: «Qui ne dit rien consent».

La culture de l’impunité et d’indifférence font que les cadres honnêtes et intègres sont pratiquement isolés et marginalisés alors qu’ils devraient être célébrés par tout le monde.
Lorsque les plus fidèles des fidèles du Premier Ministre Anglais, Boris Johnson, décident de lui demander de démissionner dès lors qu’il n’inspire plus confiance au sein du public et de son cabinet, ils agissent ainsi dans l’intérêt général. Ils ne pensent pas à la préservation de leur poste.

De même, lorsque les agents des services secrets de la Maison blanche empêchent Donald Trump d’aller le 6 janvier 2021 au Congrès malgré son insistance, ils agissent ainsi pour préserver l’intérêt général sans pour autant avoir peur des risques de représailles contre eux. Ils pensent d’abord et avant tout aux responsabilités qui leurs incombent en tant que serviteurs du peuple.

Je ne cesserai jamais de me poser la question: «Pourquoi nos dirigeants n’arrivent pas à privilégier l’intérêt général qui est loin d’être incompatible avec nos intérêts personnels respectifs»?

 

Maître Thierno Souleymane Baldé, avocat au Barreau de Guinée

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