Avant, pendant et après les manifestations, on constate fréquemment des atteintes aux personnes et à leurs biens. Celles-ci relèvent incontestablement du banditisme et de la délinquance. L’Etat dont l’une des missions régaliennes est d’assurer la sécurité des personnes et leurs biens doit faire face à ce phénomène en traquant les auteurs de ces attaques pour les mettre hors d’état de nuire. Les mettre hors d’état de nuire ne veut pas dire qu’ils doivent être éliminés physiquement. Il s’agit en réalité de les mettre à la disposition de la justice qui doit les juger conformément à la loi. Car même les bandits ont droit à un procès juste et équitable.
Aucun acteur politique ou de la société civile ne peut ou ne doit encourager de quelque manière que ce soit les infractions à la loi pénale.
Dans tous les cas, les manifestations ont lieu la journée et non la nuit. Les jeunes qui, la nuit, prennent d’assaut les rues pour s’attaquer aux citoyens, les empêchant de vaquer à leurs occupations et en dépouillant de leurs biens doivent être recherchés, arrêtés et traduits devant les tribunaux pour répondre de leurs actes. N’importe qui peut être victime d’agressions de la part de ces jeunes dont certains appartiennent à des gangs ou des clans. Il suffit d’être au mauvais moment et au mauvais endroit.
Mais il faut distinguer l’exercice du droit de manifestation pacifique des actes de vandalisme et de banditisme.
Si les forces de défense et de sécurité ne doivent tuer même des bandits, sauf en cas de légitime de défense, il y a plus de raison encore qu’il leur soit interdit de tuer des manifestants qui ne font qu’exercer un droit qui leur est reconnu par les normes internes et internationales.
L’exercice pacifique d’un droit ne doit pas être assimilé à un acte criminel. C’est plutôt le fait de tuer ceux qui exercent ce droit qui est un acte criminel.
Le discours qui consiste à dire que les opposants « envoient les gens à l’abattoir » reflète tout simplement le niveau de la malhonnêteté intellectuelle ambiante dans le pays et de la vacuité du débat public. Il traduit la volonté de criminaliser un droit. C’est en fin de compte une sorte de justification des homicides commis à l’occasion des opérations de maintien d’ordre.
Il peut arriver que des actes de violences soit enregistrés pendant des manifestations. Ce n’est pas propre à la Guinée. Mais même dans cette hypothèse, l’usage de la force obéit aux principes de la nécessité et de la proportionnalité. Cette règle doit être enseignée aux éléments des forces de défense et de sécurité qui interviennent dans le maintien ou le rétablissement de l’ordre.
Il est très important également que les partis politiques et les organisations de la société civile enseignent ou continuent d’enseigner à leurs membres et aux citoyens de façon générale les notions de citoyenneté, de respect du bien public et des droits et libertés des autres citoyens. C’est ainsi que le droit de manifester finira par être compris comme un autre moyen par lequel les citoyens s’expriment et son exercice deviendra moins dramatique et moins anxiogène.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier
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