GUINEE- Actes liberticides de la junte: il faut s’opposer à la mise à mort de la liberté de la presse

Depuis son arrivée au pouvoir le 5 septembre 2021, le Cnrd (Comité national du rassemblement et du développement) a pris des mesures en faveur de la presse guinéenne, notamment en rétablissant la Haute Autorité de la Communication (HAC), institution qui avait été suspendue suite au coup d’État. Cette décision a été prise en réponse aux demandes exprimées par les associations de presse lors des premières concertations nationales qui ont eu lieu au Palais du Peuple.

Cependant, depuis lors, de nombreux événements inquiétants se sont produits. Le Colonel Mamadi Doumbouya semble avoir oublié que la liberté de la presse n’est pas un privilège dont un chef de la junte peut priver les citoyens. Il s’agit d’un droit fondamental, qui doit être préservé et défendu en cas de violation.

Les exemples de violations de la liberté de la presse sont nombreux. Parmi les plus marquants :

•          Le directeur de publication de Mosaiqueguinee.com a été convoqué par la Direction du Renseignement Militaire pour avoir révélé la disparition d’un camion de tramadol au Camp Samory Touré.

•          Le journaliste Amadou Dioulde Diallo, rédacteur en chef de City FM, a été arrêté à Koloma par des éléments de l’armée. Il a été conduit au Camp Alpha Yaya Diallo où il a été contraint d’effacer les images qu’il avait prises.

•          Des journalistes ont été victimes d’injures de la part des Forces de Défense et de Sécurité, et ont été empêchés d’exercer leur métier lorsqu’ils couvraient les manifestations des Forces Vives de Guinée à Bambeto.

Si l’on pouvait encore considérer ces cas comme des incidents isolés, les développements les plus récents sont préoccupants :

•          La limitation d’accès à internet,

•          Le brouillage des fréquences de FIM FM,

•          La confiscation des émetteurs de Sabari FM et Love FM.

Ces actes témoignent d’un dessein machiavélique visant à museler la presse, comme en témoignent les propos du ministre porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo : « Que ce soit une radio, une télévision, un journal ou un site internet, tout média qui tient des propos pouvant perturber la paix sociale, attiser la haine entre les communautés, ou inciter les uns contre les autres, sera fermé sans hésitation et devra assumer toutes les responsabilités. Si un média viole les règles, sa fermeture se fera en pleine lumière. »

Ces propos cyniques émanent d’une autorité qui outrepasse ses prérogatives. En Guinée, seul le pouvoir judiciaire a le droit de fermer un média, conformément à la loi. Pourtant, le ministre actuel de la Justice, Garde des Sceaux et des droits de l’Homme, a déjà démontré à plusieurs reprises son hostilité envers les journalistes. Il a tenté en vain d’obtenir de la HAC qu’elle lui transmette les rapports sur les cas de violation de la liberté de la presse, et a engagé des poursuites pénales contre les journalistes du groupe Hadafo Média, Mohamed Mara et Lamine Guirassy.

Dans une conférence de presse tenue le mercredi 17 mai 2023 au siège de son ministère, Charles Wright, actuel ministre de la Justice, a déclaré : « Je n’écoute pas les médias. » Ces propos prennent une dimension dangereuse lorsque l’on sait que tous les magistrats du parquet reçoivent des instructions de sa part. Des magistrats qui ont avoué, lors des consultations nationales avec le CNRD, travailler sous l’influence de l’exécutif et prendre des décisions contraires au droit pour satisfaire les autorités politiques.

Dans un pays où la séparation des pouvoirs n’est pas respectée, la liberté de la presse n’a pas sa place. Pour survivre, elle doit être défendue. Face à cette situation, l’Association Presse Solidaire appelle tous les journalistes, les associations de presse, les médias et tous les citoyens à s’unir pour défendre la liberté de la presse en Guinée. La lutte ne doit pas être faible, mais déterminée et durable, pour montrer aux dirigeants que leur projet de museler la presse est voué à l’échec.

Conakry le 20 mai 2023

La Coordination générale

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