Le brouillage des ondes de certaines radios privées de la place devient de plus en plus préoccupant. Il faut admettre qu’une telle pratique quasiment inconnue du temps du précédent régime, en dépit de la virulence de certaines critiques qui le visaient, devient récurrente.
Les questions qui se posent sont celles de savoir qui se cache derrière ces agissements et quel en est le but. Si ces agissements visent à restreindre la liberté de la presse et le droit à l’information des citoyens, il s’agirait dans cette hypothèse d’un recul grave et inacceptable en terme de protection et de promotion des droits et libertés individuels.
De nombreux citoyens se sont battus pour que la liberté de la presse et le droit à l’information soient une réalité dans notre pays. Qui pourrait accepter que cette liberté et ce droit, consacrés par toutes les lois fondamentales du pays, soient remis en cause ?
Des journalistes qui s’écartent des règles d’éthique et de déontologie de leur profession sont légion. De même qu’il y a des militaires, des médecins, des pharmaciens, des avocats, des magistrats et des membres d’autres professions qui violent à longueur de journée les leurs. C’est une réalité que nul ne peut sérieusement contester.
Mais le législateur prévoit des dispositions qui permettent de sanctionner les écarts dans le cadre de l’exercice de la profession de journaliste, de même qu’il en prévoie dans toutes ces professions. Il est admis depuis toujours qu’il n’y a pas de liberté sans responsabilité. C’est une règle basique dans l’exercice des libertés et droits individuels. Par application de cette règle, il n’y a pas de liberté de la presse sans responsabilité de l’organe de presse ou du journaliste.
Par ailleurs, l’État dispose de suffisamment de moyens lui permettant de véhiculer les informations qu’il estime devoir transmettre aux populations dans l’hypothèse où il estime que la presse ne donne pas la bonne information aux citoyens. Mais c’est une dérive extrêmement grave que de brouiller les ondes d’une radio sous prétexte que sa ligne éditoriale ou les prises de position de ces journalistes ne seraient pas favorables au régime en place. C’est aussi une atteinte au droit des citoyens à l’information.
Ces méthodes rétrogrades dignes des régimes totalitaires (Corée du Nord, Iran, Chine, Russie etc.) doivent être totalement bannis. Et ce seraient une honte de prendre ces pays comme des références dans le narratif de ceux qui veulent justifier à tout prix l’injustifiable et une insulte grave à l’intelligence de bon nombre de citoyens guinéens.
En tout cas, une presse qui dérape quelque fois et qui peut être rappelée à l’ordre quelque fois, c’est mieux qu’une absence de presse ou une presse téléguidée. Dans certains cas, il arrive que la presse demeure le seul véritable contre-pouvoir après que tous les autres ont été anéantis.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier
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