Les arguments avancés pour justifier mon arrestation sont infondés. Je suis un acteur politique, un père de famille, un travailleur. Jamais je n’ai mis les pieds dans un commissariat, même en tant que témoin. Je ne prétends pas être parfait, mais mes idées sont toujours fondées sur la loi. C’est d’ailleurs pour cela que ma formation politique est l’une des plus crédibles du pays, et que je me sens prêt à assumer des responsabilités nationales.
Le jour de mon arrestation, aucune notification ne m’a été faite. Nous avons été retenus pendant quatre heures à la frontière, avant d’être transférés à Conakry par des hommes cagoulés et lourdement armés. Une fois sur place, j’ai été enfermé dans une cellule insalubre, aux côtés d’inconnus. Je sais que je ne suis pas le premier dans cette situation, mais j’espère être le dernier. Cependant, je ne mérite pas un tel traitement. J’ai accepté ces conditions et j’ai été déféré à la maison centrale.
Mes propos n’avaient rien d’offensant. Ce qu’on me reproche, ce n’est pas un crime, mais une opinion qui dérange certains intérêts. J’ai simplement rappelé aux autorités les engagements qu’elles avaient pris et qu’elles se doivent de respecter. J’ai tenu un discours au Chef de l’État en affirmant : ‘Nous allons vous confronter à vos actes.’
Fait intéressant, j’ai été l’un des rares à être sollicité pour rejoindre la junte. J’ai refusé, et j’ai répondu à qui de droit : ‘Vous vous êtes engagés à organiser des élections, alors faites-le. Je me présenterai et je me battrai sur le terrain des idées.’ Ce discours, qui était apprécié à l’époque, est devenu gênant au fil du temps.
Aujourd’hui, après plus de 60 ans d’indépendance, je me pose une question fondamentale : Quel type de société voulons-nous bâtir ? Une société qui emprisonne Aliou Bah, un intellectuel reconnu, une fierté nationale et internationale ? Ou une société qui valorise les opportunistes, ceux qui trahissent nos valeurs sociales et pillent nos ressources en toute impunité ? Quel message voulons-nous envoyer à nos enfants ? Leur dire que la seule voie pour réussir est celle des raccourcis et des compromissions ?
Je ne regrette rien de ce que j’ai fait pour mon pays. Et j’ai la conviction que la justice saura me rétablir dans mes droits.