Moussa Dadis Camara gracié : « Cette décision devrait être annulée » (ONU)

Le Bureau des droits de l’Homme de l’ONU et trois ONG, dont la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), ont dénoncé mardi la grâce présidentielle accordée à l’ex-dictateur guinéen Moussa Dadis Camara à propos du massacre de 2009 dans un stade de Conakry, pour lequel il avait été condamné.

Gracié pour « raison de santé » la semaine dernière par le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya, M. Camara, président entre 2008 et 2010, est sorti de prison dans la nuit de vendredi à samedi. Cette décision surprise a été accueillie avec joie par ses proches et soutiens, avec consternation par l’opposition et une partie de la société civile.

En juillet 2024, à l’issue d’un procès historique de près de deux ans, Moussa Dadis Camara avait été condamné en première instance à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité, pour sa responsabilité de commandement lors de ce massacre du 28 septembre 2009 à Conakry, alors qu’il était à la tête de la junte au pouvoir.

Ce jour-là, au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines d’autres blessées dans la répression d’un rassemblement de l’opposition dans un stade de la capitale guinéenne et ses environs, selon le rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU. Au moins 109 femmes ont été violées.

« La décision d’accorder une grâce présidentielle » à M. Camara « soulève de graves préoccupations quant au respect, par les autorités de transition, du droit à un procès équitable et de l’état de droit, et méconnaît le droit des victimes à des recours effectifs » estime le porte-parole du Bureau des droits de l’Homme de l’ONU, Seif Magango, dans un communiqué

« Cette décision devrait être annulée », a-t-il ajouté.

Selon M. Magango, « cette grâce sape les procédures judiciaires nationales et contrevient aux principes internationaux des droits de l’homme, qui insistent sur le droit des victimes à des recours effectifs ainsi que sur l’obligation des États à protéger et garantir les droits humains et de lutter contre l’impunité ».

« Cette grâce envoie un signal désastreux, démontrant un mépris pour les principes fondamentaux de justice, de responsabilité et de lutte contre l’impunité », avait indiqué plus tôt dans la journée le secrétaire général de la FIDH, Me Drissa Traoré, également membre du collectif représentant les parties civiles, dans un communiqué commun publié avec l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre (Avipa) et l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH).

Les trois ONG « expriment leur profonde indignation face à une décision qui met en péril le processus de justice en cours » et est « en contradiction avec tous les engagements nationaux, régionaux et internationaux » de Conakry.

L’ancien dictateur avait fait appel de sa condamnation en première instance.

Le général Doumbouya, arrivée au pouvoir par un putsch en 2021, avait le 26 mars annoncé la « prise en charge des frais d’indemnisation des victimes du massacre ».

AFP