Paysage médiatique
La presse écrite s’est développée depuis les années 1990 : sur 65 hebdomadaires existants, dix paraissent régulièrement, qu’il s’agisse de journaux satiriques comme Le Lynx, ou de journaux d’information générale comme L’Indépendant. Le secteur audiovisuel est composé d’environ 60 radios et d’une dizaine de chaînes de télévision. En ligne, une centaine de sites d’information ont vu le jour en 25 ans. Pourtant, la production d’informations critiques est mise à mal par les autorités de la transition, qui ont censuré, en toute illégalité, quatre radios et deux télévisions privées en mai 2024. Avant cette décision, les radios faisaient l’objet de brouillages constants depuis six mois. Les restrictions d’accès à des sites d’informations indépendants ne sont pas rares.
Contexte politique
Alors que le gouvernement de transition s’était engagé auprès de RSF à respecter la liberté de la presse, juste après son arrivée au pouvoir en octobre 2021, les atteintes commises par les autorités se sont multipliées, notamment via la censure de plusieurs médias au ton libre et à grande audience. L’organe de régulation des médias, la Haute Autorité de la communication (HAC), a tendance à s’aligner sur les autorités de la transition et a adopté une ligne plus dure envers les médias critiques. En décembre 2023, elle a retiré trois chaînes de télévision de bouquets télévisuels – dont deux sont désormais interdites – pour des raisons de “sécurité nationale”. C’est également un “problème sécuritaire” que le ministre des Affaires étrangères avait invoqué pour expliquer le blocage de l’accès aux réseaux sociaux dans le pays durant trois mois début 2024.
Cadre légal
La fin des peines privatives de liberté pour les délits de presse consacrée dans la loi sur la liberté de la presse promulguée en 2010 constitue une avancée majeure pour protéger les journalistes. Toutefois, il arrive que cette loi soit contournée : un journaliste a passé un mois et demi en détention avant d’être condamné à six mois de prison avec sursis dans le cadre de son travail en 2024. Des journalistes continuent de faire l’objet de convocations ou d’arrestations, comme ce fut le cas pour une dizaine de journalistes en octobre 2023, puis en janvier 2024. La loi organique portant sur le droit d’accès à l’information publique et instaurant le principe de transparence n’est toujours pas en vigueur malgré son adoption en novembre 2020.
Contexte économique
En Guinée, les médias de service public sont favorisés aux dépens des médias privés, l’État leur donnant la priorité dans l’accès aux événements officiels et pour effectuer les communications gouvernementales. Les subventions accordées aux médias privés sont jugées insuffisantes. Les médias privés fonctionnent surtout grâce aux annonceurs. Mais lorsqu’ils sont restreints ou censurés, ces annonceurs se montrent frileux et résilient les contrats. L’interdiction de plusieurs médias critiques en mai 2024 a engendré la perte de plus de 700 emplois dans le secteur de la presse.
Contexte socioculturel
Quelques sujets comme l’homosexualité la polygamie ou les violences conjugales sont traités avec une certaine prudence, voire de la retenue pour ne pas heurter la morale publique. Il arrive également que des journalistes abordant la question de la lutte contre les mutilations génitales féminines ou du mariage forcé soient ciblés par des groupes d’intérêt religieux.
Sécurité
Les journalistes sont régulièrement victimes d’agressions, d’arrestations arbitraires et de menaces. Ces atteintes se sont multipliées en 2024, dont la fin d’année a été marquée par l’enlèvement par des hommes armés du journaliste critique Habib Marouane Camara, toujours porté disparu. Les journalistes ayant une liberté de ton peuvent faire l’objet de menaces de mort, de menaces d’enlèvement et sont surveillés voire suivis par les autorités. Certains sont contraints à l’exil. Ces actes de violence restent dans l’immense majorité impunis. Les arrestations de professionnels des médias sont aussi régulières. Le secrétaire général du principal syndicat de la presse, Sékou Jamal Pendessa, a passé plus d’un mois en détention pour avoir voulu organiser une manifestation pour la liberté de la presse.
Mondemedia.info