Une gouvernance à coups de poignards
Un Premier ministre qui ne se reconnaît plus.
Un général qui veut être reconnu par tous.
Un président qui ne reconnaît plus personne — pas même son gouvernement.
Voilà où nous en sommes : au bord du gouffre, en costume trois pièces, avec badge officiel et attaché-case vide.
Scène 1 : La confession d’un Premier ministre fantôme
À la Primature, devant les représentants au sourire diplomatique du système des Nations Unies, Bah Oury s’est vidé comme un pneu en fin de route.
« La transition prend une tournure à laquelle je ne me reconnais plus », a-t-il balbutié.
Traduction en langue d’État : « Je suis encore Premier ministre, mais uniquement sur le papier à en-tête. »
Dans la salle, même les plantes vertes ont retenu leur souffle.
Le projet Simandou 2040 ? Une opé-marketing au parfum de mirage.
Le cabinet KPMG ? Une entreprise d’exportation de PowerPoint.
La jeunesse au pouvoir ? Un stage de direction d’État… sans tuteur.
Bah Oury a parlé. Tard, mais net.
Et ce n’était pas un discours : c’était un acte de divorce.
Scène 2 : Camara, le stratège en treillis invisible
Pendant ce temps, au palais, le Général Amara Camara, secrétaire général mais président de l’ombre, ajuste son plan.
Il a déjà l’armée. Il veut maintenant la caisse.
Et la Primature ? Il la veut aussi. Sans Bah.
Le bruit court — hurlé même par les cloisons de la Présidence — que Mourana Soumah, le ministre des Finances, devrait être parachuté à la tête du gouvernement.
Un homme si transparent qu’on l’a confondu longtemps avec le mobilier de son bureau.
Mais attention : c’est LE pion d’Amara.
Docile. Silencieux. Obéissant.
Le rêve humide de tout aspirant dictateur.
Scène 3 : Doumbouya, le chef qui surveille les micros
Et Mamadi Doumbouya ?
Ah, le Président… Il aurait pu trancher. Il aurait pu arbitrer.
Il a choisi… la coordination des interventions.
« Désormais, toute prise de parole publique doit être validée par la Présidence. »
Quand le pays brûle, on gère les extincteurs… de parole.
Il ne recadre pas les ministres, il recadre leurs phrases.
Il ne tranche pas la crise, il tranche les communiqués.
C’est de la gouvernance sous anesthésie.
Ou pire : une pièce de théâtre où le souffleur est devenu metteur en scène.
Acte final : la Guinée otage de ses généraux
Le peuple observe.
Mi-assommé, mi-écœuré.
Les partenaires internationaux hochent la tête.
Encore. Toujours. En rond.
Et pendant ce temps, la Guinée :
– N’a ni calendrier électoral.
– Ni feuille de route crédible.
– Ni arbitre au sommet.
– Mais trois centres de pouvoir qui se tirent la couverture et se poignardent par dessous.
La transition ne transitionne plus.
Elle piétine dans le ridicule.
Elle nage dans le mensonge.
Elle se noie dans le mépris.
Il est temps de guillotiner les impostures
À ce stade, ce n’est plus une transition.
C’est une trahison permanente, en habits neufs.
Une farce militaro-technocratique dont le peuple est l’unique victime.
Alors oui : il faut une hache.
Pas une métaphore.
Pas un plaidoyer.
Une hache.
Pour trancher net :
– Dans le mensonge institutionnalisé.
– Dans la duplicité gouvernementale.
– Dans l’arrogance déguisée en patriotisme.
– Et dans cette junte qui étouffe l’État sous prétexte de le sauver.
Il ne s’agit plus de réformer.
Il faut démasquer, dénoncer, décaper.
Nommer les fossoyeurs.
Et écrire leur histoire à l’encre de la honte.
La suite ?
Elle appartient au peuple.
À la rue.
Aux mots.
À la mémoire.
Mais qu’ils sachent, là-haut, entre faux silences et vraies trahisons :
le théâtre est fini.
Le rideau ne tombera pas.
C’est le peuple qui le déchirera.
Alpha Issagha Diallo
Écrivain. Témoin du réel. Démineur de la langue de bois.